Vu le 11 novembre 2013
Llewyn Davis
est artiste auteur interprète. Son genre ? La folk music. Son
domaine ? Greenwich Village, New York, années soixante. Son présent ?
Gris. Très gris. Une ex-maîtresse lui annonce qu’elle est enceinte
(probablement de lui), il traîne de canapé en canapé, peine à se faire payer
cachets et droits d’auteur, son partenaire est mort, il a échappé le chat des
gens qui l’hébergeaient et en plus il fait froid.
Les frères Coen ont plusieurs thématiques de
prédilection. La bêtise humaine (The Big
Lebowski, Fargo, Burn After Reading…), la cruauté du
quotidien (No Country for Old Men),
l’absurde (Le Grand Saut…), l’odyssée
vaguement rédemptrice (O’ Brother)… Ici nous sommes clairement dans les trois derniers.
Davis, librement inspiré de Dave Van Ronk*, traîne sa déprime agacée, perdu
dans un monde dur et froid. Difficile de le prendre en pitié, et pourtant on
s’attache à ce mec manifestement paumé, sans domicile fixe, bourré de talent
mais perclus de doute.
Le film est beau, et lent, à la manière de No Country for Old Men. Il vaut mieux du
coup ne pas le voir fatigué (comme je l’ai fait), et ne pas attaquer la
filmographie des Coen avec lui. Il est de bon ton en ce moment de citer la
politique des auteurs**, je vais donc m’y plier. Donc la politique des auteurs
est une idée lancée par les journalistes des Cahiers du cinéma il y a bien des lunes (François Truffaut,
Jean-Luc Godard…), qui postule qu’un film ne doit pas être jugé en tant
qu’œuvre unique mais au sein de l’ensemble de l’œuvre de son créateur. Une
vision très intéressante au niveau analytique***, qui fonctionne parfaitement dans
le cas des frères Coen. Ce film désabusé, triste, gris et froid serait très dur
s’il ne s’inscrivait dans une œuvre plus globale, qui nous rappelle que les
auteurs savent passer outre le bête cynisme noir.
Llewyn Davis est malheureux, mais il n’est
pas condamné. À la fin du film, plusieurs éléments laissent à penser que sa vie
pourra prendre un meilleur tournant d’ici peu, et l’apparition subliminale d’un
Bob Dylan dans les dernières minutes du métrage, symbole d’un retour en grâce
de la folk au cours des années soixante, n’est évidemment pas innocente. Un
bien beau film. Mais si vous ne connaissez pas du tout les Coen, si vous êtes
fatigué ou si vous attendez une comédie musicale enjouée, passez votre tour.
Inside Llewyn Davis, Joel et Ethan Coen, 2013
* Chanteur
de blues et folk américain, 1936-2002. J’y connais rien en folk, désolé. J’aime
bien Bob Dylan, comme tout le monde, mais j’y connais rien.
** Karim
Debbache, Usul et le Fossoyeur de Films l’ont fait, je vois pas pourquoi j’y
couperais !
*** Surtout
quand on l’applique aux grands auteurs classiques comme Max Pécas, Gérard Oury,
Michael Bay ou Jean-Marie Pallardy.
Moi j'ai adoré, et j'ai au contraire trouvé ça très doux, comme film, je ne sais pas pourquoi. J'étais fatiguée quand je l'ai vu et j'ai été bercée dans une douce torpeur... Même si je te le concède, il y a des moments terribles !
RépondreSupprimerEt, tu ne l'as peut-être pas perçu comme ça, mais j'ai souvent trouvé ça très drôle (la chanson en duo avec le personnage joué par Justin Timberlake, les péripéties avec les chats...) !
Je pense que ça dépend beaucoup de la salle. Lors de mon visionnage, le public n'était clairement pas branché rigolade, ça influence beaucoup. Le film m'a plutôt semblé assez dur.
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