Vu le 31 octobre 2013
Bonne nouvelle, l’humanité
a résolu le problème du réchauffement climatique. Un peu trop bien peut-être. Une
nouvelle ère glaciaire a décimé la planète et les seuls survivants sont
constitués par la population d’un grand train de luxe, parcourant le monde. Et
comme dans tous les trains, les pauvres essaient de se faire surclasser.
Je râle souvent contre la SNCF, comme quoi c’est une
entreprise de nazis revenus de l’enfer pour tourmenter l’espèce humaine (j'admets qu'il m’arrive
de m’emporter), mais il faut reconnaître qu’à côté de la compagnie de chemins
de fer Wilford, elle fait figure d’enfant de chœur. Métaphore évidente de l’échelle
sociale, le Snowpiercer est un train autosuffisant dans lequel la population
est répartie selon sa valeur : les miséreux s’entassent en queue dans des
conditions abjectes pendant qu’une élite décadente se goberge dans les wagons
de tête. Naturellement, une révolte se fomente, et l’on va suivre la lente et
laborieuse avancée des rebelles vers la locomotive.
Sur le papier, adapter au cinéma la bande dessinée Le Transperceneige* ressemble beaucoup à
une fausse bonne idée. On devine que le traitement peut très facilement tomber
dans la série B foireuse, voire dans le Z honteux, surtout avec un concept de
base qui pue le manichéisme facile. C’était compter sans Joon-ho Bong** et sa
patte incomparable. Mêlant réalisme cruel et humour branque, personnages hauts
en couleurs et décors magnifiques, le réalisateur sud-coréen a composé une fable sociale
parfaitement calibrée, à l’intérêt sans cesse relancé par un rythme impeccable.
C’est abject, c’est horrible, c’est héroïque, c’est envoutant,
c’est beau, c’est ignoble, et par bien des moments c’est terriblement drôle !
Les révoltés, mal organisés, suivent un plan des plus bancals et font face à
une véritable armée prête à tout pour les contenir. Les surprises vont s’enchaîner
jusqu’à l’arrivée à la locomotive et au face à face avec Wilford, dont je
préfère ne rien dire parce que, merde, spoiler, tout ça ! Mais c’est du
bon. Avec en prime un casting au cordeau :
Chris Evans (ou, c’est Captain America, mais c’est quand même un bon acteur), John
Hurt (qu’on dirait Ian McKellen), Tilda Swinton (qu’on a envie de tuer au bout
d’une phrase à peu près), Jamie Bell (qui a bien grandi depuis Billy Elliott), et le toujours génial
Kang-ho Song***.
Le même film par un autre réalisateur (au hasard,
Roland Emmerich), ça aurait pu être le navet de l’année. Au lieu de ça, on a
une putain de réussite qui vous accroche au plafond. Foncez !
Snowpiercer, Joon-ho Bong, 2013
* BD française (cocoritruc) de Jacques Lob et Jean-Marc
Rochette, parue de 1982 à 2000. Pas lu, mais ça a l’air beau. En plus ça a gagné
le Prix Témoignage chrétien à Angoulême en 1985 (me demandez pas, je savais
même pas que ça existait !).
** Si vous ne connaissez pas ce putain de génie du
cinéma coréen, je vous engage à visionner au plus tôt Memories of Murder et The
Host, où l’auteur retourne les genres du polar et du film d’horreur en
beauté pour votre plus grand plaisir. C’est bien fait, drôle et surprenant.
*** Non
mais sérieusement, j’ai vu ce mec dans trois autres films, il est énorme dans
les trois. Bon, je triche, deux de ces films sont Memories of Murder et The
Host, mais si vous avez l’occasion, matez donc JSA – Joint Security Area, un excellent polar à la frontière entre
les deux Corées. À voir, et pas que pour sa prestation.
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