Vu le 14
janvier 2013
Hindou, musulman et catholique, le jeune Piscine
Molitor Patel (oui, c’est son nom) se voit contraint de quitter son Pondichéry
natal pour rallier le Canada avec ses parents, son frère et la ménagerie du zoo
paternel. Une expédition qui finit bien mal, le bateau sombrant et notre héros
se retrouvant sur un canot de sauvetage avec un zèbre, un orang-outan femelle,
une hyène et… un tigre du Bengale nommé Richard Parker.
Que les choses
soient claires : j’adore L’Histoire
de Pi*, le livre de Yann Martel dont est adapté ce film. Comme beaucoup de
gens. Je l’adore parce que c’est un récit élégant, magnifiquement écrit dans
une prose accessible à tous sans sombrer dans la facilité. Je l’adore parce que
c’est un récit haletant et non dénué de rebondissements inattendus. Je l’adore
parce que c’est un récit mystique, abordant de manière originale le thème de la
religion et, plus intéressant, de Dieu. Quand j’ai appris que Ang Lee, réalisateur
de Tigre et Dragon (qui est beau mais
quand même un peu chiant) et Hulk (le
premier, le plus raté), allait se charger de l’adaptation, j’ai eu peur. Quand
j’ai vu les premières images (en 3D !), j’ai désespéré, certain qu’il
allait sacrifier tout l’aspect théologique pour se concentrer sur une histoire
d’amitié entre un gamin et un tigre (ce qui, pour ceux qui ne l’aurait pas lu,
n’est absolument pas le sujet du livre). Dieu que j’avais tort !
Lee non
seulement assume totalement la réflexion sur Dieu, mais il se paye le luxe de
la traiter en profondeur, en mettant en scène moult passages du livre que bon
nombre de réalisateurs auraient mis de côté pour se concentrer sur la partie la
plus connue, la plus attendue : celle sur la barque. Nous avons donc droit
aux atermoiements du petit Pi entre ses trois religions, ses questionnements
sur la vie et Dieu… autant d’éléments qui se verront mis à l’épreuve une fois
sur la chaloupe, passage certes esthétisant mais néanmoins puissant, où s'enchaînent les moments forts, tempête, survie, relation avec l'animal et ce moment si étrange sur l'île (que j'ai finalement mieux compris avec le film qu'avec le livre).
Visuellement,
le film utilise la 3D à bon escient. Les couleurs sont magnifiques et les
scènes avec le tigre ressortent plus vraies que nature. C’est d’ailleurs sans
doute la première fois que la 3D me colle sur mon siège dans une salle obscure :
le naufrage, notamment, est magnifiquement réalisé. Le tournage a pourtant dû être
une vraie galère tant il cumule trois difficultés bien connues du
cinéma**. Et surtout, la fin fonctionne. Le message original de l’auteur passe,
ramenant Dieu dans l’argumentaire par là où on ne l’attend pas, dans un moment de
douce grâce aussi apaisant et stupéfiant que celui du livre***.
Life of Pi,
Ang Lee, 2012.
* Oui, en français le livre s’intitule L’Histoire de Pi, mais en anglais c’est Life of Pi. Et quand il
s’est agi de traduire le titre du film, on a fort logiquement choisi… L’Odyssée de Pi.
** Tout Hollywood vous le dira : « Ne tournez jamais avec des enfants ! », « Ne tournez jamais avec des animaux ! »,
« Ne tournez jamais sur l’eau ! »
Le tiercé dans l’ordre.
*** Personnellement je le relierais au pari de Pascal, mais c’est une
interprétation comme une autre. Si je devais rapprocher ce film d’un autre,
j’évoquerais le Signes de M. Night
Shyamalan, qui tente maladroitement ce qu’Ang Lee réussit magnifiquement :
argumenter l’existence de Dieu de manière ludique mais recevable.
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