Vu le 23 décembre 2013
Comme
ils se rapprochent de leur objectif, les fiers Nains moyennement guerriers de
Thorin, accompagnés du magicien pomme de pin Gandalf et du Hobbit à l’anneau d’invisibilité
Bilbo, poursuivent leurs rocambolesques aventures en terres du Milieu. Ils
croisent notamment un hommoursporc, trois mille huit cent soixante-douze orcs,
des Elfes aux mœurs déviantes et des humains droit sortis d’un chapitre de Game
of Thrones. Et ça veut combattre un
dragon !
Connaissez-vous l’origine de
l’expression « tirer sur la corde » ?
Moi non plus. Mais voilà, il y a « tirer
sur la corde ». Il y a « participer
à la grande finale du Tournoi international de tir à la corde de Lomé ».
Il y a « relier deux pétroliers avec
une corde et les lancer à pleine puissance dans des directions opposées ».
Et il y a ce film. La bientôt trilogie du Hobbit
réinvente le concept d’exagération, d’outrance, de superfétatoire avec une
malice perverse. Et Johnny Tolkien, qui n’en est plus à ça près, de faire
des loopings dans sa tombe gravée de runes elfiques.
Prenez un livre court, un
sympathique roman d’initiation ouvertement pour enfants, fort bien écrit et
admirable dans sa simplicité. Maintenant regardez Le Seigneur des anneaux, Le
Trône de fer, Star Wars (IV, V, VI, hein, déconnez pas !) et
deux trois autres sagas autrement épiques, et cherchez par tous les moyens à
retrouver dans le premier ouvrage des éléments des autres. C’est idiot. C’est
artistiquement absurde. Comme de vouloir refaire Macbeth en adaptant La Potion
magique de Georges Bouillon, ou Dune
en adaptant Roule Galette.
Je n’exagère même pas : il
est évident que Peter Jackson cherche à reproduire les enjeux du Seigneur des anneaux dans son adaptation
de Bilbo le Hobbit. La tentation,
avec la soudaine obsession du pouvoir de Thorin, qui rend le personnage
incroyablement antipathique. La malédiction de l’Anneau Unique, dont Bilbo
semble déjà avoir conscience (comment ? Il ne sait rien du pouvoir néfaste
de cet artefact, pourquoi ne l’utilise-t-il pas sans arrêt ?). La menace
ultérieure, avec l’introduction d’un Sauron qui n’a rien à faire là. L’amour
impossible (déjà un peu hors contexte dans le SdA) avec la risible romance
entre Coucouille* et Nain n° 6**.
Bilbo
le Hobbit, c’est un parcours initiatique. On
prend un personnage falot et sans ambition et on lui fait subir des épreuves
dont il sortira grandi. Le Seigneur des
anneaux, c’est exactement le contraire : les personnages doivent
sauver le monde d’un péril immense, ils n’ont pour ainsi dire aucun espoir de
réussir et ils en sortiront marqués. Traiter l’un avec les codes de l’autre relève
soit d’une trahison, soit d’une monumentale incompréhension de l’œuvre de
Tolkien (dans ce cas précis je pencherai plutôt pour la première explication).
Peter Jackson en fait donc des
caisses pour remplir ses deux heures trois quarts de vide. La scène des
tonneaux, astuce fameuse du bouquin, est tirée en longueur et devient un délire
hilarant où Legolas et Coucouille snipent des milliers d’orcs, perchés sur des
nains dérivant dans des barriques. Gandalf s’amuse à tomber dans un piège où
l’attend à peu près la moitié de l’armée de Barad-Dûr, juste pour assurer
quelques minutes supplémentaires à l’écran. Et le face à face avec Smaug, s’il
est grandiose tant qu’il se cantonne à la scène telle que décrite dans le
bouquin (quoiqu’en décalage total par rapport au reste du film), il devient
rapidement absurde tant le dragon rate d’occasions pourtant évidentes de se
faire un nains-kebab. Le film se finit sur un cliffhanger poisseux après deux
heures et demie de néant. J’aimerais dire qu’on touche le fond.
Et pourtant, étonnamment, j’ai
passé un bon moment. Essentiellement parce qu’on était quatre ou cinq dans la
salle et qu’on pouvait donc commenter les scènes sans trop passer pour des
hérétiques cinéphobes. Parce que le nawak est parfois poussé tellement loin que
l’amateur de nanar en moi était obligé de se réjouir. Et aussi parce que si
l’on part du principe qu’on ne vient pas voir une adaptation du Hobbit mais plutôt de LotRO***, ou d’une partie de jeu de
rôles prenant place dans l’univers de Tolkien, le film peut se prendre par le
bon bout. Après tout, mieux vaut en rire, parce qu’on n’a pas encore vu le pire,
ainsi, j’en prends les paris, que le prouvera le troisième opus.
* Oui, elle s’appelle Tauriel,
je sais. Mais bon, déjà ça ressemble trop à Tauren, et quand on a joué à Warcraft III ça fait bizarre d’appeler
une Elfe comme ça. Et ensuite, le rôle de ce personnage a manifestement été
écrit par un gamin de cinq ans, j’emploierai donc un nom qui plaira à cette
tranche d’âge.
** Oui, je sais, eux aussi ils
ont des noms (genre Pipo, Harpo, Groin…). Mais je ne suis pas sûr que les
scénaristes le sachent, alors on les appellera Thorin, le Vieux, le Gros, le Bourrin,
puis Nain n° 4 à 12. Quoique je me demande s’il n’y en a pas un de mort dans le
premier film… c’est dire si on s’y attache !
*** Lord of the Ring Online, le MMORPG dans les terres du Milieu. Il
paraît que c’est bien, et qu’on peut y jouer de la cornemuse.
C'est marrant, comme quoi on a lu le même bouquin, mais il y a des choses qui te choquent dans ce film, et moi pas. Thorin antipathique, il l'est énormément (du moins à la fin), et quand à Sauron, si son nom n'est pas prononcé, il est bien présent (de mémoire).
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