Vu le 9 mars 2013
Pierre s’est vu
prédire sa mort prochaine mais il s’en fout, vu qu’il ne croit pas à toutes ces
conneries et qu’il a déjà assez à faire avec sa nouvelle copine Éléonore qui
s’est installée chez lui avec ses deux filles, Morgane et Johanna. Pendant ce
temps Sandro, le fils de Pierre, rencontre Laura, jeune fille de bonne famille,
et c’est le coup de foudre (au grand dam de Clémence, sa consœur de
Conservatoire). La tante de Laura, Marianne, comédienne, aimerait reprendre des
leçons de conduite (ça tombe bien, Pierre est moniteur d’auto-école) et
s’inquiète pour sa fille Nina qui veut faire sa communion. Arrive Maxime,
voisin de Marianne…
Vous trouvez que c’est compliqué ? Ben non en
fait. Certes il y a pas mal de personnages mais le film prend son temps pour
bien établir qui est qui par rapport à qui, et le rythme trompe efficacement l’ennui
en attendant de saisir la marche des événements*. Voici donc le dernier film de
Bacri-Jaoui, un duo (puisque apparemment ce n’est plus un couple) toujours
aussi doué pour donner vie à des personnages vrais. Jouant cette fois sur les
codes des contes de fée (quelques scènes oniriques font écho à Cendrillon, au Petit Chaperon rouge… sans finesse mais avec une certaine
élégance), Agnès Jaoui décide de parler de la vie en général, des lubies
enfantines (une petite fille soudainement obsédée par la Bible) à la crise de
la cinquantaine (éternel Jean-Pierre Bacri dans le rôle de Jean-Pierre Bacri,
que personne ne réussit aussi bien que lui), en passant par les amours de
jeunesse et leurs avatars.
Elle glisse incidemment un peu de lutte des classes,
évitant un écueil classique des « films français »**. Et assume complètement
l’échec du mariage moderne, quasiment tous les familles ici présentes étant
recomposées (à l’exception notable des parents de Laura, couple très bourgeois
et pas du tout dysfonctionnel, avec père attaqué en justice pour pollution
environnementale et mère botoxée à mort, chaleureuse comme un iceberg).
Niveau casting, pas de problèmes, jeunes et vieux
jouent avec un naturel qui fait plaisir à voir. On notera juste l’étrange
présence de Benjamin Biolay : le chanteur ne joue pas, il mise tout sur le
charisme et, pour une raison qui m’échappe quelque peu, ça marche. Sa voix
profonde, son élégance un peu effrayante suffisent à créer un personnage
pourtant pas gagné d’avance.
Agnès Jaoui nous propose une tranche de vie qu’on a
plaisir à suivre, n’oubliant jamais d’amuser tout en montrant des choses
parfois graves, mettant sans cesse en avant des personnages pleins de vie, même
quand ils ont du mal (Bacri, Bacri, toujours Bacri, aussi drôle qu’émouvant en
éternel handicapé émotionnel mis face à la mort). Malgré quelques facilités***
(on ne peut pas dire qu’on nage dans l’originalité), c’est un vrai plaisir de
cinéma. Je conseille.
Au bout du conte, Agnès
Jaoui, 2013
* Et comme le disait Hervé, « Quand tu as lu Le Trône de fer,
franchement, y a rien de compliqué ! »
** Vous aurez peut-être remarqué que dans beaucoup de
longs-métrages « TF1 », le Français moyen travaille à la télé, dans
une agence de pub ou un truc du genre. En dehors des films grolandais, les
ouvriers se font rares (c’est bizarre, ils représentent quand même un quart des
actifs). Certes dans Au bout du conte on n’a pas de travailleur
à la chaîne, mais quand même du moniteur d’auto-école et de la bistrotière
réalistes, ce qui n’est pas si mal.
*** C’est étonnant de voir comme une blague aussi
éculée que « C’est ton petit
ami ? Je l’ai pris pour le serveur » peut passer quand elle est
bien tournée.
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