Vu le 6 juin 2005
Bienvenue
à Sin City, ville des poètes. Où les flics sont corrompus, les politiciens
pourris et les gangsters psychopathes. Sin City où en matière de
« héros » vous rencontrerez des malades mentaux à la gueule cassée,
des repris de justice ou, à la limite, de vieux flics intègres au bout du
rouleau. Sin City où les serial
killers ont des super pouvoirs, où les filles sont toutes des bombes armées
jusqu’aux tétons, où les hommes de main tombent comme des mouches et où les
douilles s’empilent au milieu des cadavres sur le pavé ensanglanté. Bienvenue
chez Frank Miller.
À la base, Sin City est une BD de Frank Miller*. Un comics culte à plus
d’un titre : histoires sombres, morale à l’avenant, ultra violence,
personnages « surhumains » déchirés dans une quête relevant rarement
de la justice… Et un style graphique unique, noir et blanc ultra contrasté à la
limite de l’expressionnisme, mise en case puissante, images fortes, cadrages
cinématographiques, nombreuses influences mangas mêlées à une thématique
fortement américaine… Une œuvre à découvrir absolument.
L’adaptation constituant toujours un
pari risqué et Robert Rodriguez n’étant pas forcément le réalisateur le plus
talentueux de sa génération**, on peut s’inquiéter du résultat. Et bien nous
avons tout simplement ici l’adaptation de BD la plus fidèle jamais réalisée (à
l’époque de sa sortie et donc de l’écriture de cette chronique… nous
reviendrons là-dessus au cours de la semaine à venir). Ce point est
incontestable : jamais modèle ne fut suivi aussi scrupuleusement. 80 %
des plans du film sont des cases de la BD originale, au point qu’il devient
vite évident que celle-ci a servi de story-board. Le traitement de l’image,
tout en noir et blanc avec quelques touches de couleur çà et là, respecte à
fond les codes de l’œuvre de Miller. Les voix-off retranscrivent les textes
originaux à la virgule près, avec les tessitures rauques qui vont bien.
Quant aux acteurs, difficile là
aussi de critiquer. Bruce Willis est impeccable quoiqu’un peu jeune en
Hartigan, Mickey Rourke campe un Marv bluffant sous vingt kilos de prothèses
qui le font ressembler à Hellboy, Clive Owen incarne un Dwight tout en finesse…
Le reste du casting est parfait, d’un Benicio del Toro délicieusement
exaspérant à un Elijah Wood flippant, en passant par une Jessica Alba qu’elle
est bonne et un Nick Stahl renversant en Yellow Bastard de toute
« beauté ». Tous jouent sur fond bleu, à renfort de grands gestes
théâtraux, de répliques meurtrières et de regards sombres***. Le résultat est
un peu étonnant au début mais on entre vite dans le bain et on suit avec
passion les épopées vengeresses de Marv, Dwight et Hartigan à travers la ville
du péché. Un grand cru qui fera date. Seul mini regret, mais c’est vraiment
pour chipoter : le film ne surpasse pas la puissance de la BD. En même
temps, le jour où une adaptation surpassera l’original, on vous fera signe.
Sin City, Robert Rodriguez, Frank Miller et Quentin Tarantino, 2005
*
Auteur déjà responsable de Dark Knight Returns, une des plus géniales
aventures de Batman, et du scénario de Robocop 3, légèrement moins bon.
**
Même si j’aime bien Une nuit en enfer et Spy Kids, n’en déplaise
à certains. Après, j’ai pas vu Desperado, alors… Signalons tout de même
que ce Sin City est réalisé à
six mains par Rodriguez, Miller et, en réalisateur invité, un certain Quentin
Tarantino, grand fan de Miller et vice-versa.
***
Humiliant au passage Ewan McGregor, Natalie Portman et Hayden Christensen dont
la principale excuse pour Star Wars était : « oui, mais c’est vachement dur de bien jouer
devant des fonds bleus ! »
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