Vu le 10 avril 2006
Dans
une Angleterre fasciste, régentée par un dictateur plutôt réaliste*, un homme
se lève et dit « non ». Cet homme, habillé de pied en cap en Guy
Fawkes, célèbre terroriste célébré tous les 5 novembre chez nos voisins
d’outre-Manche, se fait appeler V. Il déclare venir se venger, mais cela va
bien plus loin que ça. Il vient libérer les hommes.
Ce film est adapté d’une BD d’Alan
Moore. En principe, cela devrait suffire pour justifier l’achat d’une quinzaine
de billets chacun. Malheureusement, les premières adaptations de ce génie
immortel qu’est Moore n’ont pas convaincu le public. Il s’agissait de La
Ligue des gentlemen extraordinaires, film notoirement merdique et sans
intérêt, et de From Hell, polar honnête mais à mille lieues de la
puissance du bouquin original. V pour vendetta gagne donc par défaut le
statut de « meilleure adaptation d’une bande dessinée d’Alan Moore au
cinéma ». C’était facile. Le film en est-il valable ?
Et bien oui ! Ce film est
parfait. Intelligent, bien mené, il se démarque de la bande dessinée : le
personnage d’Evey notamment est assez différent et Natalie Portman nous
rappelle au passage qu’elle sait aussi jouer la comédie**. Le personnage de V,
par contre, est parfaitement rendu. Quoique (très) légèrement plus humain que
dans la BD, il reste cette formidable icône, cette incarnation vivante d’un
concept qui devrait plaire à beaucoup : l’anarchie. V est-il sympathique ?
Non, certainement pas ! Fascinant, puissant, extravagant, mais aussi
inquiétant, effrayant, inhumain… V n’est pas un super-héros, il est bien
au-delà du concept de justicier. Il est l’anarchie, la liberté qui s’impose aux
gens. Il n’apporte pas la joie ou le bonheur. Le peuple est en prison mais
l’ignore : il est la pour lui montrer les barreaux et les briser. Et,
seule différence notable avec la BD, il hésite.
Il faut noter que Hugo Weaving,
connu par les foules pour son rôle de l’agent Smith dans Matrix et
d’Elrond Étoiledargentquibrilleaufirmamentdescieuxmoiréesdeshavresgris dans Le
Seigneur des anneaux***, trouve peut-être ici son meilleur rôle. Jouant
tout le film avec un masque certes expressif mais figé, il développe une
gestuelle extrêmement puissante. Sa voix profonde, posée, étonnamment british (les
Américains aiment bien donner des intonations britanniques aux Australiens)
donne au libérateur une présence surhumaine.
Et à l’arrivée, l’image et le
message du film furent tellement puissants qu’ils devinrent un mème récurrent d’Internet,
à travers notamment l’action des Anonymous. De là à dire que le film approchait
une réalité qui a parlé aux spectateurs, il n’y a qu’un pas. N’est-ce pas le
boulot d’une œuvre d’art ?
V for Vendetta, James McTeigue, 2006
*
C’est-à-dire qu’il ne jongle pas avec un globe terrestre en poussant un rire
sardonique pendant que ces conseillers tremblent dans un coin de la
pièce !
**
Ce dont on n’était plus sûr après Star Wars (quoique d’autres films
comme Closer ou Garden State nous eussent un peu rassurés).
***
Mais aussi le rôle culte de Mitzy del Bra, travesti exubérant dans Priscilla folle du désert ! Comme
quoi il était prédisposé à jouer un elfe.
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