lundi 23 septembre 2013

Julien a vu... Behind the Candelabra



Vu le 21 septembre 2013
La relation tumultueuse de Scott Thorson, jeune gay des années soixante-dix, et de Liberace, le pianiste vedette de l’Amérique, ou comment tomber dans les affres de la célébrité. Et du kitch.
Si vous ne connaissez pas Liberace, c’est que vous n’êtes pas américain, ce qui arrive à plein de gens très bien. Pour information, donc, Liberace était une star nationale aux États-Unis entre les années cinquante et soixante-dix. Virtuose du piano, il cultivait une imagerie flamboyante (et complètement gay) tout en jouant le gendre idéal en attente de l’amour et s’occupant de sa maman, ce qui lui valait un public de mères de famille et de vieilles à cheveux bleus vers la fin (les mêmes en fait). En gros, le Richard Clayderman ricain. Et comme la plupart des stars de cette époque, la façade cachait un ego surdimensionné et un perfectionnisme acharné*.
Le film est une adaptation de l’autobiographie dudit Scott Thorson**, qui y décrit minutieusement son expérience de boyfriend de Liberace. Et ça n’a pas été facile tous les jours. Mais plutôt que de tout vous raconter, vu que le film ne contient rien de bouleversant, je vais plutôt vous expliquer pourquoi il est bon. Il est bon parce que précisément, il ne s’y passe rien d’exceptionnel. On a déjà vu cette histoire des dizaines de fois (rarement concernant une relation homosexuelle, mais bon, ça ne change pas grand-chose), mais Soderbergh arrive à nous la raconter sans nous ennuyer. C’est bien filmé, bien rythmé, les décors nous replongent complètement dans l’ambiance kitchissime des seventies et les acteurs sont étonnants.
Avec bien sûr en tête d’affiche le stupéfiant Michael Douglas en grande folle décatie, extrême mais parfaitement incarné. Vous avez sûrement déjà vu cette interview de Dave où on demande au chanteur néerlandais ce qu’il cache sous sa frange, et où il répond malicieusement « Michael Douglas », puis relève ses cheveux pour nous révéler l’évidente ressemblance. Eh bien ce film, c’est le contraire, c’est Michael Douglas qui se transforme en Dave (en moins sympathique, quand même). Face à lui Matt Damon, toujours très juste, assure très correctement un rôle taillé pour un acteur deux fois plus jeune (il a 43 ans le père Damon !). Et toute une collection de seconds rôles qu’on a beaucoup de mal à reconnaître gravite autour, servant parfaitement le propos du film***. Avec une mention particulière pour tous les passages mettant en scène le chirurgien esthétique, lifté au tender et interprété par un Rob Lowe (mais si, le méchant dans Wayne’s World !) savoureux.
À l’arrivée, si l’intrigue est convenue (ce qui est classique pour un biopic), le film se suit agréablement et permettra notamment au public français de découvrir une des plus grandes icônes du kitch, surpassant allègrement Michou, Elton John et autres amateurs de paillettes connus. Liberace les enfonce tous !
Behind the Candelabra, Steven Soderbergh, 2013
* Je ne sais pas si vous avez déjà lu des biographies de Claude François ou Joe Dassin, mais ça n’avait pas l’air d’être des rigolos.
** Le livre s’appelle Behind the Candelabra: my Life with Liberace (le candélabre posé sur le piano était une des marques de fabriques de l’artiste). Et comme souvent, les Français ont choisi de traduire plutôt la partie contenant un nom propre, en l’occurrence le film s’intitule en VF Ma vie avec Liberace.
*** On notera Dan « Ghostbusters » Aykroyd en manager stoïque, Scott « Code Quantum » Bakula en copain moustachu, Paul « Dingue de toi » Reiser en avocat et l’immense Debbie Reynolds (Singin’ in the Rain, rien que ça suffirait à justifier le « immense ») en maman Liberace.