jeudi 28 novembre 2013

Julien a vu… La Vie d’Adèle, chapitres 1 et 2



Vu le 24 novembre 2013
Lycéenne, plutôt littéraire, Adèle rencontre Emma, étudiante aux Beaux-Arts. C’est le coup de foudre, Adèle découvre sa sexualité et les deux partent vivre ensemble une passion des plus ordinaires. Puis des tensions s’installent, une des deux fait une connerie classique et elles se séparent.
Voilà. C’est le film. Ça dure trois heures. La première moitié m’a saoulé. La seconde m’a déprimé. Et le générique de fin m’a énervé. Alors c’est ça la Palme d’or, le grand film d’Abdellatif Kechiche, la révélation ? Eh bah putain !
Bon, calmons-nous, essayons d’être un peu objectif. Ce film est tiré d’une bande dessinée que j’avais beaucoup appréciée, Le bleu est une couleur chaude, de Julie Maroh (éd. Glénat). Je dis bien « tiré de » et pas « adapté », car Kechiche n’en a repris que la prémisse, évacuant tout l’aspect sociologique, politique et tragique. En soi, ce n’est pas forcément une mauvaise idée. Dieu sait qu’on a vu assez d’homophobie ces derniers temps : traiter cette histoire d’amour comme une simple histoire d’amour, sans trop se soucier du sexe des intervenants (enfin, je me comprends), est finalement plutôt rafraîchissant*.
Seulement voilà, une histoire d’amour, traitée sur le mode réaliste, c’est chiant. Surtout un premier amour. Vous vous souvenez de votre premier amour ? La drague insipide, les phrases hésitantes, les bisous ridicules… oui, vous vous en souvenez, avec une pointe de nostalgie dans le fond de l’œil, mais sincèrement, vous n’avez pas envie de le revivre, parce c’était quand même un peu naze. Le premier amour n’a d’intérêt que parce qu’il y en a d’autres après, où on peut profiter un peu de son expérience. Ben voilà, ce premier amour chiant, passionné mais objectivement inintéressant, c’est La Vie d’Adèle…**. Filmé pour ainsi dire en temps réel, avec des vraies hésitations de jeunes, des vraies phrases mal fichues, des vraies erreurs. Et du sexe. On en a beaucoup parlé de ces scènes de sexe, qui s’étendent ad nauseam pendant de looooongues minutes de frotti-frotta. Personnellement elles n’ont suscité en moi qu’un ennui poli. Oui, il y a de la passion. C’est d’ailleurs à peu près le seul moment où les deux héroïnes ont l’air en phase : pendant le sexe et de suite après. Post coitum animal laude.
Que nous apprend ce film ? Que l’amour, c’est nul. Au début, c’est ridicule, au milieu, le sexe est cool mais en dehors de ça on ne se comprend jamais qu’à moitié, à la fin on se sépare parce que les petites incompréhensions mènent aux grandes erreurs***. Voilà, amusez-vous bien avec ça. Sans être en complet désaccord avec cette thèse (je reste un gros célibataire frustré), ça ne me rend pas le film agréable, ni sympathique. Au niveau formel, puisqu’il faut quand même en parler, Kechiche passe 80 % de son long-métrage à filmer les visages d’Adèle Exarchopoulos et de Léa Seydoux en gros plan pour nous permettre de compter chaque pore, chaque grain de beauté et chaque larme (beaucoup de larmes, beaucoup de morve). C’est un peu indigeste au bout d’un moment, et des moments il y en a beaucoup en trois heures. Surtout quand vous comprenez que l’intrigue ne va nulle part, que les quelques oppositions socioculturelles évoquées ne mènent à rien et qu’il s’agit, purement et simplement, de l’histoire d’un premier amour. Ni plus ni moins. Ça plaira sûrement à plein de gens, mais moi, ça me gave.
La Vie d’Adèle, chapitres 1 et 2, Abdellatif Kechiche, 2013
* Je me souviens d’ailleurs, après avoir lu la BD, m’être dit « au-delà de tout le tragique de cette autobiographie, c’est surtout, surtout une très belle histoire d’amour ». C’est bizarre parce que Kechiche n’a traité que cette partie (à un court passage près sur la violente homophobie de la cour du lycée et une vague évocation de la différence de classe entre les familles d’Adèle et d’Emma), et pourtant je ne suis pas exactement satisfait.
** C’est du reste parfaitement assumé : le « chapitres 1 et 2 » du titre n’est évidemment pas à prendre comme l’annonce d’une suite, mais comme une explicitation : chap. 1, l’enfance, chap. 2, le premier amour. Ce n’est pas fini pour Adèle, heureusement. La question de la pertinence de ne traiter que de la partie chiante d’une vie au cinéma reste toutefois posée.
*** Enfin, « grandes »… ceux qui ont lu la BD trouveront peut-être que les malheurs ici représentés font assez pâle figure à côté de ceux que l’œuvre originale (et véridique) raconte. Mais les malheurs, ça ne se compare pas.

mardi 26 novembre 2013

Julien a vu… Gravity



Vu le 22 novembre 2013
Alors qu’ils accomplissaient une mission de routine (si tant est que ça veuille dire quelque chose dans ces circonstances), des astronautes se retrouvent pris dans une tempête de débris qui détruit leur navette. Seuls survivants, coupés du reste du monde, la débutante docteur Ryan Stone et le vétéran Matt Kowalsky tentent de rejoindre la Station spatiale internationale, qui n’est pas loin mais un peu quand même.
Première loi de Newton : « Tout corps persévère dans l’état de repos ou de mouvement uniforme en ligne droite dans lequel il se trouve, à moins que quelque force n’agisse sur lui, et ne le contraigne à changer d’état. » Certes sur Terre on ne s’en rend pas trop compte, à cause du frottement de l’air qui empêche la plume d’arriver au sol aussi vite que la bille de plomb, et de la gravité qui tend à faire tomber la pierre qui aimerait continuer sa route tout droit, mais c’est cette loi fondamentale de la physique qui va pourrir la vie de nos deux protagonistes avec une admirable constance pendant les quatre-vingt-onze minutes de ce long-métrage.
Gravity connaît un beau succès, et c’est normal. D’abord parce que les deux têtes d’affiche, uniques acteurs du film, tiennent admirablement bien leurs rôles : Sandra Bullock, qu’on n’avait pas vue depuis longtemps, nous convainc sans peine de son inconfort spatial. Quant à George Clooney… Ben merde, voilà un film avec George Clooney cabotinant sur un jet-pack. Je suis désolé mais pour moi c’est une vision du bonheur.
Mais surtout, c’est la réalisation somptueuse, monumentale, épique d’Alfonso Cuarón* qui donne enfin à la 3D une raison d’être. Ce film, il FAUT le voir sur grand écran, en trois dimensions. Le vide de l’espace vous happe, vous absorbe, vous digère, et vous vous rappellerez souvent de la fameuse phrase « Dans l’espace, personne ne vous entend crier ! »** L’espace est une saloperie hostile, jamais plus vous n’en douterez, et il n’est pas besoin de la farcir d’extraterrestres facétieux pour s’en convaincre. Face au vide, à la beauté cruelle d’un lever de soleil au milieu du néant, la détresse des personnages prend littéralement une autre dimension et vous laisse sur le cul.
Du coup on pardonne sans mal au scénario quelques facilités, comme l’accumulation ininterrompue de catastrophes arrivant à nos héros et le déroulé finalement très classique de l’action. Car ce film est avant tout un trip de réalisation, une sorte de course haletante qui vous colle au siège pendant toute sa durée parfaitement maîtrisée.
Gravity, Alfonso Cuarón, 2013
* Que les cinéphiles connaissent pour Y tu mamá también, les fans de SF pour Les Fils de l’homme et les autres pour Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban. Tout ça, c’est très bien, mais il a aussi réalisé La Petite Princesse, une adaptation du même roman qui avait donné Princesse Sarah. C’était une information inutile (gingle !)
** Probablement le slogan de la future compagnie de voyage interstellaire. Le film n’est d’ailleurs pas avare en références visuelles, et on notera des hommages autant à Alien qu’à 2001, l’odyssée de l’espace***.
*** D’ailleurs sur les retirages des affiches on peut trouver cette énumération : « 60’s : 2001, l’odyssée de l’espace. 70’s : La Guerre des étoiles. 80’s : Blade Runner. 90’s : Matrix. 00’s : Avatar. 10’s : Gravity ». Un intrus s’est habilement dissimulé dans cette liste, saurez-vous le retrouver ?

lundi 25 novembre 2013

Julien a vu… Inside Llewyn Davis



Vu le 11 novembre 2013

Llewyn Davis est artiste auteur interprète. Son genre ? La folk music. Son domaine ? Greenwich Village, New York, années soixante. Son présent ? Gris. Très gris. Une ex-maîtresse lui annonce qu’elle est enceinte (probablement de lui), il traîne de canapé en canapé, peine à se faire payer cachets et droits d’auteur, son partenaire est mort, il a échappé le chat des gens qui l’hébergeaient et en plus il fait froid.

Les frères Coen ont plusieurs thématiques de prédilection. La bêtise humaine (The Big Lebowski, Fargo, Burn After Reading…), la cruauté du quotidien (No Country for Old Men), l’absurde (Le Grand Saut…), l’odyssée vaguement rédemptrice (O’ Brother)… Ici nous sommes clairement dans les trois derniers. Davis, librement inspiré de Dave Van Ronk*, traîne sa déprime agacée, perdu dans un monde dur et froid. Difficile de le prendre en pitié, et pourtant on s’attache à ce mec manifestement paumé, sans domicile fixe, bourré de talent mais perclus de doute. 

Le film est beau, et lent, à la manière de No Country for Old Men. Il vaut mieux du coup ne pas le voir fatigué (comme je l’ai fait), et ne pas attaquer la filmographie des Coen avec lui. Il est de bon ton en ce moment de citer la politique des auteurs**, je vais donc m’y plier. Donc la politique des auteurs est une idée lancée par les journalistes des Cahiers du cinéma il y a bien des lunes (François Truffaut, Jean-Luc Godard…), qui postule qu’un film ne doit pas être jugé en tant qu’œuvre unique mais au sein de l’ensemble de l’œuvre de son créateur. Une vision très intéressante au niveau analytique***, qui fonctionne parfaitement dans le cas des frères Coen. Ce film désabusé, triste, gris et froid serait très dur s’il ne s’inscrivait dans une œuvre plus globale, qui nous rappelle que les auteurs savent passer outre le bête cynisme noir. 

Llewyn Davis est malheureux, mais il n’est pas condamné. À la fin du film, plusieurs éléments laissent à penser que sa vie pourra prendre un meilleur tournant d’ici peu, et l’apparition subliminale d’un Bob Dylan dans les dernières minutes du métrage, symbole d’un retour en grâce de la folk au cours des années soixante, n’est évidemment pas innocente. Un bien beau film. Mais si vous ne connaissez pas du tout les Coen, si vous êtes fatigué ou si vous attendez une comédie musicale enjouée, passez votre tour.
Inside Llewyn Davis, Joel et Ethan Coen, 2013

* Chanteur de blues et folk américain, 1936-2002. J’y connais rien en folk, désolé. J’aime bien Bob Dylan, comme tout le monde, mais j’y connais rien.
** Karim Debbache, Usul et le Fossoyeur de Films l’ont fait, je vois pas pourquoi j’y couperais !
*** Surtout quand on l’applique aux grands auteurs classiques comme Max Pécas, Gérard Oury, Michael Bay ou Jean-Marie Pallardy.

mercredi 6 novembre 2013

Julien a vu… Thor : le Monde des ténèbres



Vu le 2 novembre 2013
Thor tue-t-il ? Meuh non, Thor il est gentil, et quand il fait la gueule en mangeant japonais, ses amis lui disent « Thor, ris donc ! » Et… non mais c’est nul les jeux de mots avec « Thor ». Parlons du film. Donc, en gros, c’est la suite de The Avengers* : Loki est ramené à Asgard et bouclé au frais, et de méchants elfes noirs** veulent mettre la main sur l’Éther, un artefact plus vieux que le monde blablabla, vous connaissez l’histoire.
Franchement, je suis allé voir ce film à reculons. J’ai beau aimer les films pourris et les nanars moisis (de préférence avec des requins), le premier long-métrage consacré au blondinet m’avait définitivement vacciné contre le panthéon viking. Il faut dire que Kenneth Branagh, pourtant réalisateur de fabuleuse adaptations de Shakespeare (et d’une étonnante version de La Flûte enchantée de Mozart), avait consciencieusement chié dans la colle et foiré absolument tout ce qui était foirable : Thor premier du nom était un film dénué de tout intérêt autre que de servir d’intro de luxe à The Avengers. Autant dire qu’il fallait vraiment que j’aime mes cousins pour les accompagner voir la suite, en VF et en 3D !
Et quelle ne fut pas ma surp… oh, et merde, en fait c’était plutôt bien ! Il y a un scénario, pas exceptionnel mais convenable, et surtout, globalement, on comprend ce qui se passe, et on s’y intéresse ! Il y a beau avoir des dizaines de personnages, on les repère tous, ils arrivent à être à peu près sympathiques (les méchants sont nazes, mais bon, limite on s’en fout) et, fait essentiel dans un film de science-fiction un peu grandiloquent : les acteurs sont bien dirigés. Ça tombe bien parce qu’on a globalement un bon casting : Natalie Portman, qui se demandait clairement ce qu’elle foutait là dans le premier film, crée un vrai personnage qui, à défaut d’être fort et mémorable, évite au moins de sombrer dans le ridicule. Stellan Skarsgård reste excellent malgré un script qui s’échine à essayer de le ridiculiser. Anthony Hopkins arrive à ne pas trop cabotiner en Odin, Rene Russo parvient à rendre attachant un personnage pas facile… et Chris Hemsworth se débrouille finalement plutôt bien en Thor, à mi-chemin entre le preux chevalier surhumain et le mec impliqué et surpris par le tour que prennent les événements. Et puis, à tout seigneur tout honneur, le personnage le plus intéressant : Tom Hiddleston, alias Loki, le meilleur méchant du monde, qui vanne en continu sur un ton léger, sans jamais oublier de faire passer une émotion contenue.
Il est évident que The Avengers est passé par là, et a donné le la pour les films de super héros à venir : un ton maîtrisé, un subtil dosage entre action et humour qui permet de faire passer la pilule, un peu grosse, des supermen en costumes moulants. Alan Taylor, réalisateur de télévision abonné aux grosses productions***, a brillamment relevé le défi en s’inscrivant dans la lignée de Whedon plutôt que de Branagh. Affichant en plus d’excellentes influences (notamment à Star Wars dans la scène de l’attaque d’Asgard, et ça fait plaisir de référencer Star Wars pour quelque chose de positif), le film se suit avec plaisir et a même réussi à me surprendre de temps en temps. Peut-être pas le plus grand film produit par Marvel, mais clairement dans la partie haute du panier.
Thor: The Dark World, Alan Taylor, 2013
* Et, pour information, j’avais adoré The Avengers. Oui, ok, c’était réalisé par Joss Whedon, le pape des geeks, monsieur Buffy contre les vampires, Firefly, Dr. Horrible Sing-Along Blog et Toy Story (oui, oui, le scénario de Toy Story, c’est lui), donc je suis moyen impartial, mais quand même, c’était trop bien.
** Au début ça fait bizarre, mais on s’y fait. C’est curieux quand même, moi j’ai toujours cru que les elfes c’était celte et que les Nordiques étaient plutôt branchés trolls. Comme quoi…
*** On lui doit pas mal d’épisodes de Game of Thrones, The Sopranos, Mad Men