vendredi 22 février 2013

Julien a vu… 300

Vu le 27 mars 2007
480 avant Jésus-Christ. Léonidas, roi de Sparte, envoie chier les menaces du terrible dieu-roi Xerxès. Résultat : il doit défendre sa patrie contre la tolkienesque armée perse avec seulement trois cents de ses hommes. Non, pas des hommes… des Spartiates.
Après l’extraordinaire réussite de Sin City, voici une nouvelle adaptation d’une BD de Frank Miller. Pas forcément la plus évidente, tant 300 était à l’origine une pure performance stylistique, violente, âpre mais dont la finesse scénaristique n’était pas la qualité la plus évidente. 300, c’est une fresque tracée à la pointe sèche, avec du sang, du foutre et de la testostérone. 300, c’est un truc de mecs, des vrais, des sévèrement burnés, où une poignée de combattants s’en va à moitié à poil se latter contre six milliards de ninjas perses surarmés, des légions d’orcs du chaos, des rhinocéros de guerre, des éléphants géants, des pluies de flèches, des nécromants pyrotechniques, des traîtres difformes… et empiler le maximum de cadavres* même si les chances de victoire sont nulles. Car la victoire n’importe pas pour un Spartiate : seule la mort au combat est une fin honorable.
Graphiquement, le résultat est plutôt enthousiasmant. On retrouve bien les scènes de la BD et, comme pour Sin City, on devine que celle-ci a été utilisée comme story-board (de nombreuses images deviendront d’ailleurs des mèmes d’Internet, notamment le cultissime « This is Spartaaaa !!! »). Les acteurs jouant tout en violence font plutôt bonne figure, bodybuildés et huilés comme des gladiateurs de vieux péplums. Par contre, et c’est malheureux, le rythme n’est pas toujours à la hauteur. Zack Snyder, déjà réalisateur du plutôt bon Dawn of the Dead**, se perd régulièrement dans une esthétisation à outrance et perd du temps. Du coup, certaines scènes se retrouvent terriblement ampoulées, trop lentes et mal calibrées***.
Une voix-off tente de reprendre les textes de Miller mais finit surtout par alourdir des images qui se seraient sûrement suffi à elles-mêmes. Les passages inventés pour le film, où la reine de Sparte essaie de faire bouger les choses de son côté, apportent un peu de subtilité politique (à dose homéopathique, hein !), mais ne suffisent pas à illuminer l’intrigue et minent finalement la fougue originelle du scénario. C’est d’autant plus dommage qu’on sentait là-derrière un réel potentiel de film viril et puissant comme on en voit finalement assez peu. Il n’en reste plus qu’un grand spectacle pas désagréable du tout, mais sans doute pas appelé à rester dans les annales du septième art. Dommage.
300, Zack Snyder, 2007
* Comme eût dit l’ami Oud devant ces tas de corps encore chauds : « Il faut mettre un terme aux piles ! »
** Et apparemment pressenti pour la réalisation de Watchmen, adaptation de la meilleure bande dessinée jamais dessinée de l’histoire de la bande dessinée. Je ne suis pas sûr qu’une version cinématographique soit une bonne idée (depuis, j’ai pu constaté que… ben si en fait. Chapeau Zack !).
*** À noter d’ailleurs la terrible influence du Gladiator de Ridley Scott, qui a tellement fait école qu’il semble aujourd’hui impossible de concevoir un film situé dans l’Antiquité sans que le héros ne se balade dans des champs de blé sur une musique planante. D’un autre côté, l’agriculture avait sans doute une symbolique autrement plus puissante à l’époque qu’aujourd’hui…

jeudi 21 février 2013

Julien a vu… V for Vendetta

Vu le 10 avril 2006

Dans une Angleterre fasciste, régentée par un dictateur plutôt réaliste*, un homme se lève et dit « non ». Cet homme, habillé de pied en cap en Guy Fawkes, célèbre terroriste célébré tous les 5 novembre chez nos voisins d’outre-Manche, se fait appeler V. Il déclare venir se venger, mais cela va bien plus loin que ça. Il vient libérer les hommes.

Ce film est adapté d’une BD d’Alan Moore. En principe, cela devrait suffire pour justifier l’achat d’une quinzaine de billets chacun. Malheureusement, les premières adaptations de ce génie immortel qu’est Moore n’ont pas convaincu le public. Il s’agissait de La Ligue des gentlemen extraordinaires, film notoirement merdique et sans intérêt, et de From Hell, polar honnête mais à mille lieues de la puissance du bouquin original. V pour vendetta gagne donc par défaut le statut de « meilleure adaptation d’une bande dessinée d’Alan Moore au cinéma ». C’était facile. Le film en est-il valable ?

Et bien oui ! Ce film est parfait. Intelligent, bien mené, il se démarque de la bande dessinée : le personnage d’Evey notamment est assez différent et Natalie Portman nous rappelle au passage qu’elle sait aussi jouer la comédie**. Le personnage de V, par contre, est parfaitement rendu. Quoique (très) légèrement plus humain que dans la BD, il reste cette formidable icône, cette incarnation vivante d’un concept qui devrait plaire à beaucoup : l’anarchie. V est-il sympathique ? Non, certainement pas ! Fascinant, puissant, extravagant, mais aussi inquiétant, effrayant, inhumain… V n’est pas un super-héros, il est bien au-delà du concept de justicier. Il est l’anarchie, la liberté qui s’impose aux gens. Il n’apporte pas la joie ou le bonheur. Le peuple est en prison mais l’ignore : il est la pour lui montrer les barreaux et les briser. Et, seule différence notable avec la BD, il hésite.

Il faut noter que Hugo Weaving, connu par les foules pour son rôle de l’agent Smith dans Matrix et d’Elrond Étoiledargentquibrilleaufirmamentdescieuxmoiréesdeshavresgris dans Le Seigneur des anneaux***, trouve peut-être ici son meilleur rôle. Jouant tout le film avec un masque certes expressif mais figé, il développe une gestuelle extrêmement puissante. Sa voix profonde, posée, étonnamment british (les Américains aiment bien donner des intonations britanniques aux Australiens) donne au libérateur une présence surhumaine.

Et à l’arrivée, l’image et le message du film furent tellement puissants qu’ils devinrent un mème récurrent d’Internet, à travers notamment l’action des Anonymous. De là à dire que le film approchait une réalité qui a parlé aux spectateurs, il n’y a qu’un pas. N’est-ce pas le boulot d’une œuvre d’art ?

V for Vendetta, James McTeigue, 2006
* C’est-à-dire qu’il ne jongle pas avec un globe terrestre en poussant un rire sardonique pendant que ces conseillers tremblent dans un coin de la pièce !

** Ce dont on n’était plus sûr après Star Wars (quoique d’autres films comme Closer ou Garden State nous eussent un peu rassurés).

*** Mais aussi le rôle culte de Mitzy del Bra, travesti exubérant dans Priscilla folle du désert ! Comme quoi il était prédisposé à jouer un elfe.

mercredi 20 février 2013

Julien a vu... The League of Extraordinary Gentlemen

Vu le 17 octobre 2003
Les plus cultivés d'entre vous ont peut-être déjà lu un bouquin avant son adaptation au cinéma, défiant ainsi la célèbre locution : « j'attendrai qu'il sorte en vidéo. » Je ne peux qu'encourager cette pratique qui consiste à commencer par le commencement, c'est-à-dire lire Crichton avant d'aller voir Jurassic Park, lire Boulle avant de ne pas aller voir La Planète des singes, lire Fielding avant de louer Le Journal de Bridget Jones, feuilleter Tolkien en diagonale en sautant les pages chiantes avant d'aller voir Le Seigneur des anneaux, etc.
Sans vouloir faire mon vieux réac (je ne nie pas qu'une œuvre cinématographique puisse rendre convenablement hommage à son prédécesseur papier, et même parfois le magnifier : après tout Les Dents de la mer est tout de même supérieur au bouquin original), je voudrais quand même rappeler que la lecture d'un livre est souvent plus porteuse d'émotions que le simple visionnage d'une adaptation, fût-elle fidèle. Tout simplement parce que les deux médias sont de natures tout à fait différentes, et qu'adapter « fidèlement » un livre en film revient à essayer de donner un goût de fraise à l'emballage d'un bonbon. C'est très difficile et ça ne sert à rien. La magie du livre n'a rien à voir avec celle du cinéma, c'est pourquoi il faut être très talentueux et un brin inconscient pour tenter une adaptation.
Du talent, Stephen Norrington n'en manque pas (Blade est finalement plutôt un bon film, oui), mais il partait quand même ici avec un handicap de poids : il s'attaquait à du Alan Moore. Oui, Alan Moore est grand, Alan Moore est LE scénariste de bande dessinée, Alan Moore est Dieu et je bénis son nom, je brûle des cierges devant des poupées hirsutes à son effigie, je sacrifie des petits enfants baptistes à chaque énoncé de son noble patronyme. Loué soit Alan le Grand.
Et, pour ceux qui n'auraient pas bien imprimé, Alan Moore a écrit La Ligue des gentlemen extraordinaires*, BD culte dessinée par Kevin O'Neill, dont le thème est si génial que toute adaptation était éminemment casse-gueule. Le principe est simple : imaginez que les personnages de romans du xixe siècle aient vraiment existé. Imaginez que Sherlock Holmes, le docteur Jekill, Dracula, Nana... que sais-je encore, aient tous réellement vécu et se soient croisés à certaines occasions. L'idée n'est pas si originale que ça, c'est le principe de base du cross-over déjà utilisé dans la littérature (lisez donc Arsène Lupin contre Herlock Sholmes, de Maurice Leblanc) et plus particulièrement dans le courant Wold Newton, et de même le principe a été vu cent mille fois dans les comics américains, où les héros ne cessent de se croiser.
Le génie de Moore a été de remonter à la base du mythe du héros, qui pour lui se situe dans cette littérature du xixe où apparaissent les personnages hauts en couleur de détectives (Dupin, Holmes...), les dérives de la science (Jekill et Hyde, l'homme invisible...), les aventuriers fanatiques (Nemo...), autant de modèles que l'on retrouve dans les comics de super-héros. La BD originale met donc en scène des personnages tels qu’Allan Quatermain, le capitaine Nemo, Henry Jekill et bien d'autres, tous réunis par un énigmatique monsieur M pour « sauver l'Empire britannique à l'aube du xxe siècle ».

La BD est truffée de référence aux grands classiques de la littérature (presque une par case) et un scénario malin parvient même à nous tenir en haleine. Par contre, l'adapter tel quel aurait été particulièrement risqué (et dangereux pour les relations diplomatiques avec la Chine**), Norrington a donc pris le parti de modifier entièrement le scénario (en conservant un certain nombre de détails intéressants), et a réussi un joli tour de force : l'intrigue globale du film, quoique différente, vaut finalement celle de la BD (si !).
C'est après que ça déconne. Dès le casting. Dans la BD, c'est Mina Murray qui dirige la Ligue. Quatermain est un loser pathétique, un aventurier sur le retour perclus de défauts et ancré dans le siècle passé. Et dans le film, c'est Sean Connery qui joue Quatermain. Comment fait-on jouer un loser à Sean Connery ? Ben on peut pas, donc on le met à la tête du groupe. Les autres acteurs, dans l'ombre d'un ex-James Bond cabotin à souhait, essaient de jouer à niveau, c'est à dire de tout surjouer (ce qui aurait pu être défendable au vu des dialogues de la BD, mais qui sombre ici dans le ridicule tant les répliques du film sont plates et sans imagination).
Quelques personnages ont été ajoutés***, d’autres profondément modifiés, mais parfois, bizarrement, de manière intéressante. Ainsi Moore avait-il transformé Jekill et Hyde en une sorte de Hulk : dans la BD, il se transforme quand il est en colère. Le film revient aux sources du roman, et Jekill se transforme à la demande, grâce à un potion, ce que je trouve personnellement plus intéressant.
Tout ça ne sauve pas le film, qui cinématographiquement parlant reste une bonne bouse. Pourtant, il ne mérite peut-être pas la volée de bois vert qu'il a reçu de la critique. Après tout, Norrington a réussi à conserver un des intérêts de la BD, même en s'étant fait virer de la réalisation par Connery avant la fin du film et en ayant surmonté les inondations de Prague et donc du plateau où se situait le tournage. Vu les conditions et le pari de base, il ne s'en sort finalement pas si mal.
The League of Extraordinary Gentlemen, Stephen Norrington, 2003
* Depuis l’écriture de cette chronique, beaucoup de ses autres œuvres ont été adaptées au cinéma, de façon parfois anecdotique (From Hell, réduit à un polar sans intérêt, Watchmen, étonnamment réussi, V pour Vendetta, qui a un peu calmé son monde et créé un mème récurrent d’Internet…).
** Je ne vais pas vous spoiler l’intrigue, de toute façon il faut lire La Ligue… D’autant que depuis la sortie du film, il y a eu deux autres volumes édités, qui ont largement étendu l’univers de la série (incluant tous les personnages de tous les romans de toute l’histoire du monde entier !). Je ne sais pas si je vous ai dit que j’étais fan de cette série ?
*** Notamment Dorian Grey, assez ridicule, et Tom Sawyer. Et pourquoi Tom Sawyer ? Ben, c’est l’Amérique. Le symbole de la liberté !

mardi 19 février 2013

Julien a vu… Alien vs Predator

Vu le 10 janvier 2005
De nos jours (déjà ça part mal), une expédition scientifique menée par un magnat de la finance désireux de laisser sa trace dans l’Histoire part pour l’Antarctique. Apparemment on vient de découvrir une sorte d’immense pyramide, vestige d’une ancienne civilisation très avancée genre Atlantide, empire de Mu, légendaires tribus Minipouss de Patagonie, que sais-je… L’équipe est un aréopage hétéroclite de bras cassés incarnés par une troupe d’acteurs à peine assez bons pour une pub pour produits laitiers*. Ils arrivent tous dans la pyramide, les deux tiers se font chopper par des aliens alors que trois predators débarquent pour tirer dans le tas, conformément à leurs vénérables traditions ancestrales.
Jusque-là pas trop de surprises, vu le titre on s’y attendait. N’attendez d’ailleurs pas grand-chose de plus : ce qui doit être là est là (les combats alien / predator, moments agréables malgré tout**, la reine, dégoulinante à souhait…) et ce qui ne devrait pas aussi (les explications sub-scientifiques du génie de l’équipe, qui lit couramment le panaché égyptien/aztèque/cambodgien gravé partout sur les murs de la pyramide***).
Acteurs minables et scénario sans fond suffisent amplement pour classer le film dans la catégorie « série Z », à se louer entre potes un vendredi soir pour se détendre la tête. Mais un petit quelque chose peut empêcher l’amateur de s’amuser vraiment : quel putain de gâchis ! La tétralogie Alien est sans doute une des œuvres les plus abouties du cinéma de science-fiction et d’horreur. Une ambiance unique, quatre films très différents qui conservent pourtant une cohérence rare, la créature la plus terrifiante jamais imaginée, quatre réalisateurs parmi les plus doués de leur génération… et puis Paul Anderson débarque et ruine toute cette belle unité de style !
Parallèlement, les deux Predator étaient également de bons films dans leur genre, certes moins recherchés dans la psychologie des personnages mais efficaces et bien troussés (merci John McTiernan). Les scénaristes, faisant fi de l’héritage de leurs prédécesseurs, ont vaillamment massacré la belle cohérence de cet univers, foulé au pied l’intérêt de la BD Alien vs Predator (un bon cru pourtant, dont ils n’ont tiré que quelques scènes qu’ils parviennent à ridiculiser dans le film), et surtout en avilissant ainsi la licence ils ont sans doute gâché tout espoir d’avoir un jour un cinquième Alien à la mesure des quatre premiers (en fait, depuis, l’immonde Prometheus a réussi à resaboter la licence sans jamais évoquer AvP : chapeau). Et c’est bien dommage !
Alien vs. Predator, Paul W. S. Anderson, 2005
* Sauf Lance Henriksen, rescapé des précédents épisodes d’Alien, les vrais. Ayant sans doute signé pour ce film à la suite d’un pari stupide, il fait semblant de jouer et meurt le plus vite possible pour éviter la honte devant les collègues, détruisant au passage tout espoir de continuité avec la tétralogie d’origine…
** Après vingt-cinq ans passés à essayer de dézinguer ces saloperies d’aliens au fusil d’assaut, bazooka, lance-flamme, exosquelette, dépressurisation, explosion thermonucléaire et autres joyeusetés, sans jamais y réussir complètement, il est étrangement réjouissant de voir un humanoïde, fût-il predator, s’en taper quelques-uns à mains nues !
*** Citons ce lumineux raisonnement de l’individu : « Comment j’ai compris que la pyramide changeait de conformation toutes les dix minutes ? Ben, comme tout a l’air basé sur le calendrier aztèque, qui est décimal, ça me paraissait logique ! » C’est vraiment pas de chance que notre décompte du temps se fasse en heures, minutes et secondes, seules unités de notre système de mesure qui ne soient pas décimales, justement !

lundi 18 février 2013

Julien a vu… Sin City

Vu le 6 juin 2005
Bienvenue à Sin City, ville des poètes. Où les flics sont corrompus, les politiciens pourris et les gangsters psychopathes. Sin City où en matière de « héros » vous rencontrerez des malades mentaux à la gueule cassée, des repris de justice ou, à la limite, de vieux flics intègres au bout du rouleau. Sin City où les serial killers ont des super pouvoirs, où les filles sont toutes des bombes armées jusqu’aux tétons, où les hommes de main tombent comme des mouches et où les douilles s’empilent au milieu des cadavres sur le pavé ensanglanté. Bienvenue chez Frank Miller.
À la base, Sin City est une BD de Frank Miller*. Un comics culte à plus d’un titre : histoires sombres, morale à l’avenant, ultra violence, personnages « surhumains » déchirés dans une quête relevant rarement de la justice… Et un style graphique unique, noir et blanc ultra contrasté à la limite de l’expressionnisme, mise en case puissante, images fortes, cadrages cinématographiques, nombreuses influences mangas mêlées à une thématique fortement américaine… Une œuvre à découvrir absolument.
L’adaptation constituant toujours un pari risqué et Robert Rodriguez n’étant pas forcément le réalisateur le plus talentueux de sa génération**, on peut s’inquiéter du résultat. Et bien nous avons tout simplement ici l’adaptation de BD la plus fidèle jamais réalisée (à l’époque de sa sortie et donc de l’écriture de cette chronique… nous reviendrons là-dessus au cours de la semaine à venir). Ce point est incontestable : jamais modèle ne fut suivi aussi scrupuleusement. 80 % des plans du film sont des cases de la BD originale, au point qu’il devient vite évident que celle-ci a servi de story-board. Le traitement de l’image, tout en noir et blanc avec quelques touches de couleur çà et là, respecte à fond les codes de l’œuvre de Miller. Les voix-off retranscrivent les textes originaux à la virgule près, avec les tessitures rauques qui vont bien.
Quant aux acteurs, difficile là aussi de critiquer. Bruce Willis est impeccable quoiqu’un peu jeune en Hartigan, Mickey Rourke campe un Marv bluffant sous vingt kilos de prothèses qui le font ressembler à Hellboy, Clive Owen incarne un Dwight tout en finesse… Le reste du casting est parfait, d’un Benicio del Toro délicieusement exaspérant à un Elijah Wood flippant, en passant par une Jessica Alba qu’elle est bonne et un Nick Stahl renversant en Yellow Bastard de toute « beauté ». Tous jouent sur fond bleu, à renfort de grands gestes théâtraux, de répliques meurtrières et de regards sombres***. Le résultat est un peu étonnant au début mais on entre vite dans le bain et on suit avec passion les épopées vengeresses de Marv, Dwight et Hartigan à travers la ville du péché. Un grand cru qui fera date. Seul mini regret, mais c’est vraiment pour chipoter : le film ne surpasse pas la puissance de la BD. En même temps, le jour où une adaptation surpassera l’original, on vous fera signe.
Sin City, Robert Rodriguez, Frank Miller et Quentin Tarantino, 2005

* Auteur déjà responsable de Dark Knight Returns, une des plus géniales aventures de Batman, et du scénario de Robocop 3, légèrement moins bon.
** Même si j’aime bien Une nuit en enfer et Spy Kids, n’en déplaise à certains. Après, j’ai pas vu Desperado, alors… Signalons tout de même que ce Sin City est réalisé à six mains par Rodriguez, Miller et, en réalisateur invité, un certain Quentin Tarantino, grand fan de Miller et vice-versa.
*** Humiliant au passage Ewan McGregor, Natalie Portman et Hayden Christensen dont la principale excuse pour Star Wars était : « oui, mais c’est vachement dur de bien jouer devant des fonds bleus ! »

vendredi 15 février 2013

Julien a vu… Ocean’s Thirteen

Vu le 22 juin 2007
Reuben, vieux pote de la bande de Danny Ocean*, vient de se faire arnaquer par le méchant Willie Bank, promoteur véreux et gérant de casino qui ne joue pas selon les règles. Légèrement revanchards (on touche pas aux copains), Ocean réunit sa fine équipe. Selon un plan soigneusement alambiqué, ils auront trois minutes pour faire sauter le Bank. Peccadille !
Et de trois. Steven Soderbergh étant un des cinéastes les plus doués de sa génération**, on lui pardonne beaucoup, surtout quand il va s’amuser avec son casting de rêve pour nous proposer une petite friandise. Si le troisième (et sûrement dernier) Ocean’s ne va pas chercher bien loin (même déroulement que les deux précédents : un plan complexe qui se déroule sans accrocs, mais dont le spectateur ne savait pas tout dès le début), il reste un amusement plus que recommandable pour toute la famille. D’abord parce que la bande est toujours là, Clooney et Pitt en tête, secondés de main de maître par un Matt Damon qui s’en prend toujours plein la tête. Non loin derrière, toute l’équipe tient la barre et réussit à nous faire rire, d’Elliott Gould en mourant déçu à Bernie Mac en croupier truculent, en passant par Casey Affleck et Scott Caan en frères gaffeurs, Don Cheadle en ingénieur baratineur ou encore Carl Reiner et sa tronche de vieux débile. Andy Garcia revient faire risette, Vincent Cassel fait un rapide coucou et une nouvelle tente (maladroitement) de nous tourner la tête : Ellen Barkin***, qui peine à nous faire oublier la défection de Julia Roberts.
Et, invité de marque, Al Pacino vient cabotiner dans le rôle du méchant Willie Bank. Pas trop, juste ce qu’il faut pour rendre son personnage de grand méchant vraiment méchant. Bien sûr, nos héros mettront bon ordre à tout ça, sourire en coin et panache au vent, bien sûr ils s’en sortiront à la fin et Pacino sera remis à sa place, sans le moindre coup de feu ni la moindre effusion de sang. Pas vraiment de surprise, plutôt de la bonne rigolade et des clins d’œil en pagaille. Dommage toutefois que le film fasse vraiment redite d’une recette éprouvée, et du coup ressemble plus à un épisode de luxe d’une série télé qu’à un long-métrage de cinéma original.
Mais bon, George et Brad, ça le fait.
Ocean’s Thirteen, Steven Soderbergh, 2007

* Prononcez « Oh-ou-cheunn » pour avoir l’air classe, « Océan » pour avoir l’air basque.
** Depuis son premier grand succès, Sexe, mensonge et vidéo, on lui doit tout de même Hors d’atteinte (qui signa les débuts de son amitié proverbiale avec Clooney), L’Anglais (avec Terence Stamp), Erin Brokovich (avec Julia Roberts), Traffic, Solaris et bien sûr les Ocean’s onze et douze. Plus quelques autres bricoles que personne n’a vues. Et The Good German, qui n’est malheureusement pas aussi bon que son titre semble vouloir le dire.
*** Connue des cinéphiles pour avoir joué dans Down by Law, du génial Jim Jarmush, et vénérée par une secte de nanardeurs fous furieux pour son rôle dans Les Aventures de Buckaroo Banzai à travers la huitième dimension, film des années quatre-vingt avec Peter Weller, John Lithgow, Jeff Goldblum et Christopher Lloyd. Si, si, je vous jure, ça existe, je crois même l’avoir en DVD quelque part !

jeudi 14 février 2013

Julien a vu… l’amûûr !

Je sais ce que vous vous dites.
Vous vous dites : « Sur son autre blog, il passe ses 14 février à déféquer sur l’amour, c’est sûr qu’il doit pas aimer les belles romances cinématographiques ! »
Et c’est pas tout à fait faux. En faisant un peu le point sur ma dévédéthèque, j’ai bien dû me rendre à l’évidence : j’ai assez peu de grandes histoires d’amour qui traînent. Ce n’est pas que je n’aime pas ça, mais en fait je trouve que le cinéma, et l’art en général, traite souvent bien mal de l’amour. On le voit régulièrement réduit à des coups de foudre instantanés, souvent absurdes, parfois destructeurs… et au final, le message qui ressort est que la seule chose importante dans l’amour, c’est le début, les premiers jours. J’ai personnellement la sensation que ce qui importe, ce n’est pas la première fois, mais au contraire toutes celles d'après.
Pour cette Saint-Valentin, je suis donc parti d’une présélection de films (en l’occurrence j'ai choisi un dénominateur commun totalement arbitraire : les grands classiques Disney) et j’ai cherché les couples qui me paraissaient cohérents*, des personnages dont le comportement, l’histoire ressemblaient ne serait-ce que vaguement à une « vraie » histoire d’amour.
Voici donc mon TOP 5 DES COUPLES DISNEY LES PLUS COHÉRENTS** !
Jasmine et Aladdin
Et pour bien me tirer une balle dans le pied, voici le parfait contre-exemple de ce que je disais. Une princesse typique qui rencontre un pauvre hère au grand cœur typique, le coup de foudre absurde… mais il faut bien reconnaître qu'entre ces deux-là, il existe une alchimie, et contrairement à nombre d’autres histoires du même tonneau (Petite Sirène, Belle au Bois Dormant…), la sauce prend. Ils se rencontrent, s’entraident, se sauvent mutuellement les miches… et leurs sentiments réciproques crèvent les yeux. Difficile d'affirmer qu'ils resteront ensemble jusqu'à la fin des temps, mais à l'instant t du film, leur couple fonctionne, c'est indéniable. Parfois, le coup de foudre dure sur le long terme (c'est-à-dire, ici, au moins deux suites et une série TV). 
Aladdin, John Musker et Ron Clements, 1992
Nani et David
Si vous l’ignorez, Nani est la grande sœur de Lilo (hé, j’ai jamais dit que je me limiterais aux héros de premier plan). Lilo et Stitch est un bon dessin animé dans son ensemble, mais il excelle surtout dans sa partie sociale*** : la relation entre les deux frangines livrées à elles-mêmes, les difficultés de Nani à élever sa petite sœur (qui, reconnaissons-le, n’est pas facile) tout en conservant un job… Dans ce contexte David n’est qu’un élément de fond, mais le quasi-couple qu’ils forment (ce n’est pas toujours clair et on devine que le jeune homme s’est mangé plusieurs fois un bon gros « Non David, je t'aime beaucoup mais en ce moment c’est compliqué ») sonne vraiment juste. Le film ne s’appesantit pas sur eux, l'essentiel de leur relation est suggérée et laissée à l'appréciation du spectateur... et c’est en partie ce qui la rend si naturelle. 
Lilo et Stitch, Dean DeBlois et Chris Sanders, 2002
La Belle et la Bête
Que dire ? L’intrigue tout entière du film tourne autour de leur romance, qui ne part vraiment pas sous les meilleurs auspices. Mais à force d’efforts, de compréhensions mutuelles, un lien finit effectivement par se tisser. On est loin du coup de foudre, mais on n’est pas non plus dans une absurde notion de « mérite ». La Bête tente au début de forcer l’amour de la Belle, puis de le mériter. Mais au final, c’est bien l’affection de l’héroïne qui la poussera à revenir vers son prince, et non un quelconque sens du devoir. Ce qui lui permettra de retrouver cette apparence designée avec les pieds qu’elle arbore dans les dernières minutes. La Belle et la Bête est un des Disney préférés du public, et ce n’est pas un hasard : l'histoire d’amour y est parfaitement balancée.
La Belle et la Bête, Gary Trousdale et Kirk Wise, 1991
Chicha et Pacha
Kuzco l’empereur mégalo est une des meilleures comédies que l’animation ait jamais portées, ne serait-ce que par la grâce des méchants Yzma et Kronk. Toutefois il y a aussi dans ce film une forme très rare du couple, celui déjà formé : Chicha et Pacha ont deux enfants, un troisième au four, et leur duo est bien rodé. La phase romantique est finie depuis quelque temps déjà, mais on leur devine une vie de tous les jours riche et joyeuse. Leur complicité est évidente sitôt qu’on les voit ensemble, et rien que pour ça ils méritent leur place dans ce top 5. On en a fait des caisses sur le fait que Chicha soit la première femme enceinte dans un Disney, mais son vrai intérêt est de nous permettre de voir la vie quotidienne d'un couple adulte mais encore jeune. Montrer au public que « ils vécurent heureux » n'est pas forcément un concept éthéré et évoquant vaguement un ennui profond, quelle bonne idée !
Kuzco, l'empereur mégalo, Mark Dindal, 2000
Raiponce et Flynn Rider
Le dernier film Disney méritant l’appellation de « grand classique » est sans conteste une réussite. Technique, certes (les autres films  en images de synthèse du studio, The Wild, Chicken Little, Dinosaures, etc. étant globalement à chier. Non sérieux, vous en avez vu ?), mais aussi par son intrigue plutôt maligne, son rythme d’action-comédie soutenue et dynamique… et ses deux personnages principaux parfaitement assortis. Raiponce et Flynn n’ont pas le coup de foudre, ils s’entraident bon gré mal gré et développent leur relation au fur et à mesure de leurs pérégrinations, sans pour autant tomber dans le duel de répliques narquoises habituelles : les deux personnages sont assez naïfs, très loin de l’ironie qui fait florès dans l’animation jeunesse depuis Shrek. S’ils finissent par former un couple (très) attachant, c’est qu’ils se trouvent en apprenant à se connaître, à surmonter leurs préjugés l’un sur l’autre. Raiponce et Flynn, le conte moderne qui fait du bien. À revoir sans fin !
Raiponce, Byron Howard et Nathan Greno, 2010

* Parce que l’amour, c’est comme le pluriel, ça commence à deux !
** Pourquoi cinq ? Je vous en pose, des questions ? Ah, et je ne saurais trop conseiller à ceux que ça intéresse d'aller visionner la série d'émissions Disneycember de Doug Walker (c'est sous-titré).
*** Je dirais même que, paradoxalement, Stitch est de trop et ne sert à rien, de même que toute l’intrigue SF. Les personnages humains sont nettement mieux traités.

mercredi 13 février 2013

Julien a vu… Ocean’s Twelve

Vu le 19 décembre 2004
Danny Ocean s’ennuie un peu depuis son dernier casse, premier et dernier coup d’éclat de l’équipe connue depuis sous le nom des « Onze d’Ocean ». Mais bon, comme il est marié à une femme superbe et qu’il a un petit pécule presque honnêtement gagné, il entreprend une retraite dorée qu’il estime méritée. Pas de chance, l’arnaqué de la dernière fois revient à la charge, et il n’est pas content : il va falloir lui rembourser la totale, plus les intérêts. Bref, on prend les mêmes et on recommence, avec encore plus d’acteurs et de classe.
Il faut dire qu’on a ici le casting le plus impressionnant depuis Le Jour le plus long. George Clooney, Brad Pitt, Matt Damon, Julia Roberts, Catherine Zeta-Jones, Andy Garcia, Vincent Cassel… à vous dégoûter d’être figurant ! Et en plus, ils ont l’air de s’éclater. Que ce soit dans le film ou pendant la tournée de promo, l’équipe semble se fendre la pêche comme dans une grande colonie de vacances. Steven Soderbergh, réalisateur de talent, réussit à réunir tous ses potes acteurs dans un film de casse jouissif, comme beaucoup de films mettant en scène des cambrioleurs*. Quelques scènes confinent au génie, d’autres sont banalement formidables, on rit beaucoup (plus que dans le premier) et on se demande quand même de temps en temps comment ils vont finir par s’en sortir. Mais on sait qu’ils s’en sortiront et avec panache, s’il vous plaît.
Côté performances, hormis Clooney et Pitt qui bouffent l’écran**, on retrouve Julia Roberts en parodie d’elle-même, Matt Damon qui se fait chambrer de tous les côtés par les vieux routards (et c’est hilarant), Catherine Zeta-Jones, infiniment plus classe que dans son autre film de casse***, Vincent Cassel en gentleman cambrioleur qui se la pète (à savourer en VO), et une fabuleuse apparition d’une star dont je ne dirai rien mais qui vaut son pesant de cacahuètes.
Le genre de film qui se balade tranquille dans la rue, la tenue faussement négligée. Il vous repère, vient vers vous, l’œil perçant et le sourire en coin, vous serre chaleureusement la main, puis repart tranquillement juste avant que les flics débarquent. Et quand le soir vous constatez que votre carte bleue n’ouvre plus l’accès qu’à un compte vide, vous vous en moquez. C’était une chouette journée.
Ocean’s Twelve, Steven Soderbergh, 2004

* Mon chouchou du genre restant Les Experts (P. A. Robinson, avec Robert Redford et Sidney Poitier) et, dans un autre genre mais finalement assez proche, L’aventure, c’est l’aventure (C. Lelouch, avec Lino Ventura, Jacques Brel et pas mal d’autres…).
** George Clooney enfonçant définitivement tous les prétendants au titre « d’homme le plus classe du monde », y compris George Abitbol dans un autre film à gros casting (comprenne qui peut).
*** Souvenez-vous, Haute voltige, avec une certaine scène des lasers… Du reste, quand on voit la même « scène des lasers » dans Ocean’s Twelve, on se dit que dans Haute voltige, c’était vraiment des petits joueurs !

mardi 12 février 2013

Julien a vu… Kiss Kiss, Bang Bang

Vu le 25 septembre 2005
Harry Lockhart est une sorte de loser archétypal, paumé du côté de Los Angeles. Cambrioleur reconverti en acteur à l’essai, il se retrouve à traîner aux côtés de Gay Perry, détective privé lui-même assez typique, et retrouve son amour d’enfance, grande actrice de publicités pour la bière. Le trio se retrouve vite embarqué dans une histoire louche redéfinissant la loi de Murphy. Au menu : cadavres en série, intrigues à tiroir et grande rigolade…
Ah la vache, on ne s’était pas autant marré depuis Snatch* ! Il y a à l’évidence du Guy Ritchie chez Shane Black ! L’ex-scénariste promu réalisateur connaissait déjà la différence entre film d’action bourrin et pastiche vif mais déconneur, il suffit de se souvenir du Dernier Samaritain (avec Bruce Willis), de Last Action Hero (un des rares bons films avec Schwarzy) ou même des divers Arme fatale. Des films d’action, certes, des blockbusters, sans doute, mais avec ce petit quelque chose qui les rend nettement plus regardables qu’un Highlander 2 ou qu’un Judge Dredd. Appelons ça du « second degré ». Même si c’est sans doute un peu plus que ça.
Pour sa première réalisation, Black s’attaque au polar. Le film adapte** le livre de Brett Halliday, Bodies Are Where You Find Them***. Je suis bien incapable de juger de l’adaptation, mais le film est positivement jouissif. Le mérite en revient à une réalisation énergique (je citais Guy Ritchie, on peut aussi penser à Tarantino, quoique le film possède une alchimie très personnelle), à des rebondissements surprenants, à des dialogues mémorables et à un trio d’acteurs parfaitement en phase. Robert Downey Jr. campe un Harry certes minable et pathétique mais très sympathique. On s’attache très vite à ce type qui s’improvise héros et narrateur de l’histoire, nonobstant son absence totale de talent dans les domaines de l’héroïsme comme de la narration.
Niveau gonzesse, Michelle Monaghan évite adroitement les rôles de potiche de service ou de femme fatale. Mais la grande surprise du casting reste Val Kilmer, acteur réputé mauvais et imbitable, à qui Shane Black fait le même coup que Tarantino avait fait à Travolta : il le ressuscite artistiquement, lui faisant prendre au passage quatre-vingt kilos et un débit de mitraillette. Son personnage de détective taciturne gay est un parfait contrepoids à la maladresse fébrile de Harry. Le scénario est un peu bordélique, mais on s’en fiche tant les scènes s’enchaînent bien en jouant sur les codes habituels du polar à l’américaine.
Certains passages sont réellement hilarants (mention spéciale à la conclusion du film, inoubliable), d’autres authentiquement graves (un meurtre hors champ alors que le héros est planqué sous un lit donne lieu à une scène particulièrement forte), mais l’ensemble est un vrai bonheur. Mangez-en.
Kiss Kiss Bang Bang, Shane Black, 2005
* Et jusqu’à 7 Psychopaths, donc, sorti cette semaine, c’est pourquoi je vous ressors aussi cette vieille critique de Kiss Kiss Bang Bang, qui date de bien avant Iron Man, ce qui explique pourquoi le jeu désinvolte de Robert Downey Jr. surprenait encore les cinéphiles amateurs comme moi.
** Oui, encore une adaptation ! Un jour, les poules auront des dents, les cochons voleront, Hervé sera cohérent et un cinéaste aura une idée.
*** Traduction pour les Basques : Les cadavres sont là où on les trouve. Le titre du film, lui, peut se traduire : Bisou bisou, pan pan. Et oui, ‘fallait pas être basque ! Plus sérieusement, le bouquin a été traduit chez J’ai Lu sous le titre Les morts ont la bougeotte. Contredisant l’éditeur et la finesse humoristique la plus élémentaire, je ne l’ai pas lu.

lundi 11 février 2013

Julien a vu… 7 Psychopaths

Vu le 9 février 2013
Marty essaie désespérément d’écrire le scénario de son prochain film. Pour l’instant, il a le titre, « Sept psychopathes », et un personnage, bouddhiste et non-violent. Tout ça ne part pas sous les meilleurs auspices. Surtout qu’entre deux kidnappings de chiens, son pote Billy décide de l’aider à trouver des idées de personnages. Et vous connaissez le problème avec les psychopathes ? C’est qu’on ne sait jamais à quoi s’attendre !
Le réalisateur Martin McDonagh avait déjà scotché pas mal de monde avec In Bruges (la traduction officielle, Bons baisers de Bruges, laisse sottement entendre qu’il s’agirait d’une sorte de James Bond flamand ; ce n’est pas le cas, loin de là*). Il récidive avec cette petite perle qui, sous ses dehors de sous-Snatch, se rapproche bien plus d’un Kiss Kiss Bang Bang sous peyotl, avec de l’action, de l’humour mais aussi beaucoup plus de finesse qu’il n’en donne l’air.
Le scénario, sans être complexe, illustre pour une fois parfaitement le titre : si le terme « psychopathe » se trouve souvent galvaudé, il est ici parfaitement à sa place. Nous avons affaire à des individus (pas vraiment sept, d’ailleurs) authentiquement cintrés, donc imprévisibles, et de fait certains passages surprendront le spectateur bien installé. McDonagh s’appuie sur un casting impeccable d’acteurs dont la tronche proclame « psychopathe » comme si les lettres y étaient gravées au fer rouge. Christopher Walken, grandiose, Colin Farrell, névrosé, Sam Rockwell, enfiévré, Tom Waits, surprenant… et le décidément trop rare Woody Harrelson en maffieux aussi drôle qu’effrayant**.
Le film atteint-il pour autant l’étrange grâce de In Bruges ? Peut-être pas. Il ne joue pas sur les mêmes codes, même si lui aussi évite le film de gangsters bêtement violent pour tomber dans une contemplation teintée d’ironie***. Mais ça reste un p… de bon film, surprenant et loin de la tarantinerie qu’on essaie de nous vendre dans la bande-annonce. À voir !
7 Psychopaths, Martin McDonagh, 2013
* Si vous n’avez pas vu In Bruges, dépêchez-vous ! Si, si, c’est important.
** Il faut dire que depuis Tueurs-nés, on lui confie beaucoup de rôles dans ce genre. Ici il incarne un chef maffieux amoureux de son shih tzu (à ranger dans la catégorie canine des serpillères vivantes pour mémères) et prêt à tout pour le récupérer.
*** À noter que le réalisateur se permet quelques effets d’annonce assez gonflés et bien vus. Et si Harrelson nous fait son numéro de fou furieux relativement classique, il serait dommage de ne pas citer la performance de Sam Rockwell, qui joue sans doute le plus gros taré du tas.

vendredi 8 février 2013

Julien a vu… Le Monde de Narnia


Vu le 6 janvier 2006

Pendant la Seconde Guerre mondiale, quatre gamins anglais passent à travers une armoire magique (le terrier du Lapin Blanc étant en travaux) et débarquent dans le monde merveilleux de Narnia. Là-bas, c’est l’éternel hiver à cause de la méchante Reine Blanche (la Reine des Neiges étant très occupée à faire rebâtir). Coup de bol, une légende locale raconte qu’il existe une prophétie comme quoi quatre Élus débarqueront un jour d’un autre monde pour sauver Narnia. Oui, je sais, je spoile, mais bon… Parallèlement, une espèce de prophète poilu et baraqué nommé Aslan vient rétablir la paix et la justice à grands coups de tatane tolkienesque avant de s’en repartir vers le soleil couchant. Tellement qu’on se demanderait presque s’il avait vraiment besoin des quatre chiards…

À titre très personnel, si par hasard vous ne l’avez pas compris, je trouve que ce film manque un peu d’originalité. Le réalisateur n’est sans doute pas à blâmer : le livre original de C. S. Lewis, qui a apparemment enchanté nombre de petites filles, empruntait déjà pas mal aux grands classiques. Il exhale par ailleurs une certaine rhétorique chrétienne susceptible d’irriter certains (rhétorique ayant généré une vague polémique aux États-Unis et que Libé a tenté de relayer en France). Là aussi, le film retranscrit bien ce côté : la scène du sacrifice d’Aslan (oh, encore un spoiler, désolé…) aurait pu être réalisée par Mel Gibson. Bon, on ne va pas non plus trop accabler Lewis, qui a lui-même été abondamment pillé. Le gamin pleutre de la bande, en particulier, est le portrait craché du héros brun de la vieille série animée Le Sourire du dragon*.

Reconnaissons de plus que, si le film ne réserve pas des masses de surprise (aucune en fait), l’interprétation est honnête**, les bastons sympathiques*** et le chariot de guerre de la Reine, traîné par des ours polaires, a la grande classe. Mais ceux qui espèrent le nouveau Willow seront sans doute déçus. Personnellement, j’aurais sans doute adoré ce film à douze ans mais aujourd’hui, ça ne passe plus du tout. Les fans de la première heure, eux (elles en fait), seront sans doute ravis de cette adaptation pleine d’effets spéciaux et de bestioles qui parlent. Seulement voilà, moi, les bestioles qui parlent, j’en ai un peu marre…

Le Monde de Narnia : chapitre 1, le lion, la sorcière blanche et l’armoire magique, Andrew Adamson, 2005

* Certains se souviennent peut-être de cette série légendaire sous-titrée Donjons et Dragons (tiens ?) et dont le générique fut l’un des rares corrects chantés par Dorothée. J’ai souvenir d’une discussion avec une amie qui évoquait avec sa tendresse habituelle ce personnage emblématique de la lâcheté humaine : « Ce sale con ? Putain, pourquoi ils ne l’ont pas tué de suite pour récupérer le bouclier ? Ça aurait vachement simplifié les choses, c’est toujours lui qui les foutait dans la merde ! »

** Tilda Swinton, vue précédemment dans Constantine ou Broken Flowers, incarne en particulier une Reine Blanche toute en fragilité hystérique (bon, depuis on l'a revue dans L'Étrange Histoire de Benjamin Button et Moonrise Kingdom, comme quoi elle choisit bien ses réalisateurs).

*** À noter : enfin une utilisation correcte d’un phénix dans une bataille. Ah ça change du Fumseck moisi qui amène son épée en inox à Harry Potter pour taper du python géant !

jeudi 7 février 2013

Julien a vu… Transformers


Vu le 4 août 2007

Une race d’extraterrestres à la recherche d’un cube énergétique surpuissant débarque sur Terre. Deux factions ennemies viennent se battre sur notre planète, les pacifiques Autobots protégeant les humains pendant que les démoniaques Decepticons massacrent allègrement au nom de leur chef Megatron. Pendant ce temps, Sam Witwicky achète une voiture et drague la bonnasse de la classe.

Bon, niveau cinéma, pas grand-chose à dire, la force comme la faiblesse du film tiennent dans un nom : Michael Bay. L’auteur de perles comme Bad Boys, Armageddon, Bad Boys 2… annonçait son film « avec le plus d’action ». De quoi laisser rêveur n’importe quel jeune drogué épileptique à pantalon baggy, tronche de calculette et cheveux à la con ! Le fait est qu’il y a pas mal d’action, et pas mal de connerie aussi. Mais laissons la parole à un spécialiste pour détailler ces petites anicroches.

François Geek, expert en robots transformables : « Ce film est une véritable hérésie. Non seulement les designs originaux ne sont pas respectés, mais encore les personnages sont souvent complètement trahis. Ainsi Bumbelbee ne se transforme-t-il plus en Coccinelle mais en voiture de course jaune. Jazz a l’air d’un con et n’a quasiment aucune ligne de dialogue, Ironhide ne se transforme plus en van et Ratchet n’est plus une ambulance mais un 4 x 4. Finalement, seul Optimus Prime est à peu près respecté. Du côté des Decepticons, c’est encore pire. Megatron n’est pas trop mal, Starscream n’a pas le temps de le trahir mais il arrive à merder et à fuir comme un gros lâche, mais Soundwave est lui aussi totalement trahi. Alors qu’il incarnait un fier lieutenant spécialiste des renseignements et plutôt flegmatique, il devient un mini robot psychotique. Le robot scorpion doit être une nouvelle version de Ravage. Exit Skywarp, Thundercracker, Rumble, Laserbeak… bien sûr, aucun Constructicon*, Dinobot, Combatticon, Aérobot… Non, franchement, décevant. Heureusement que Bay se rattrape en ajoutant des touches d’humour fines et subtiles bien amenées et totalement en phase avec le reste du film**. »

On notera que la presse professionnelle ne cesse de s’extasier devant le jeune Shia LaBeouf, qui incarne le jeune crétin Sam Witwicky, héros du film qui n’est pas sans rappeler le Matthew Broderick du Godzilla de Roland Emmerich. Disons qu’il a plutôt une bonne bouille, mais ce n’est certes pas dans ce film qu’il parviendra à faire la preuve de son talent d’acteur***

Transformers, Michael Bay, 2007

* Notons que beaucoup de ces personnages apparaîtront finalement dans les épisodes 2 et 3. La scène mémorable des « couilles de Devastator » dit assez à quel point c’était indispensable.

** Ces moments d’humour, qui feront sûrement rire les gamins de dix ans qui avaient tant aimé Arthur et les Minimoys, sont effectivement salutaires, puisqu’il vous permettront de repérer adroitement les gens avec qui éviter toute discussion au sortir de la salle.

*** Si l'on retient un jeu d'acteur dans ce film, c'est curieusement celui d'un des personnages les plus charismatiques de notre jeunesse, le chef des Autobots. Parce que j'ai beau pas être fan de ce long-métrage, quand le camion arrive dans la ruelle, se déploie sous nos yeux et que ce visage métallique annonce de sa voix de stentor : « Je suis Optimus Prime ! », j'ai toujours  comme des petits picotis dans le cou.


mercredi 6 février 2013

Julien a vu... L’Attaque de la moussaka géante


Vu le 22 août 2003
Comme moi, vous avez sûrement eu, et peut-être même avez-vous encore, un film maudit. 
Un film maudit, ce n’est pas un film du genre Evil Dead où des jeunes partent faire du camping en forêt, récitent connement des incantations rédigées avec du sang dans un bouquin noir relié en peau humaine avec un crâne diabolique sur la couverture, puis se font trucider par la saloperie qu’ils ont invoquée. Non.
Ce n’est pas non plus un film comme Showgirls, qui souffre d’une réputation désastreuse alors que finalement il n’est pas si mal (bon, l'exemple n'est peut-être pas excellent).
Ce n’est pas non plus un film sur Don Quichotte, bien qu’il semble que toutes les adaptations de ce roman formidable subissent une terrible malédiction (voir le fameux Lost in La Mancha, formidable documentaire sur le cinéma, Terry Gilliam et la loi de Murphy).
Non, un film maudit, c’est ce film dont le titre vous a un jour interpellé au hasard des pages d’un programme télé, dont la critique vous a plu, ce film que vous avez voulu voir mais que vous avez raté. Et vous vous êtes alors dit : « ce n’est pas grave, je le verrai lors de la prochaine rediff’. » Mais lorsque dix-huit mois plus tard ledit film est repassé, vous vous en êtes aperçu le lendemain et vous l’avez donc raté de nouveau. Et ainsi de suite. Un coup il sort en rétrospective au Jean Vigo, mais c’est LA semaine de l’année où il faut travailler tard et vous ne pouvez pas y aller, un coup il est dans la programmation spéciale de l’Utopia, mais il ne passe qu’à des heures inaccessibles selon votre emploi du temps.
Bref c’est la lose. Et plus vous le ratez, plus vous voulez le voir. Ce qui n’était à la base qu’une petite envie devient un besoin irrépressible, un désir violent... Même si le film a l’air d’être une merde infâme (même et surtout c’est ce qui vous avait donné envie de le voir au départ), ce n’est pas grave, vous devez le voir !
Dans mon cas, il s’agissait d’un film grec de 1999 poétiquement intitulé L’Attaque de la moussaka géante. Tout un programme. Et ce n’est que quatre ans plus tard, à la faveur d’une programmation spéciale de Canal +, que j’ai eu l'occasion de le visionner (en VO, pour bien goûter le talent des acteurs hellènes).
Je rappelle que la moussaka est un plat traditionnel grec, sorte de gratin d’aubergine à la béchamel. Ici, nous avons donc droit à une moussaka irradiée par des E.-T. venus d’une lointaine galaxie (et ressemblant en gros aux Bricol’Girls d’Alain Chabat), qui devient donc géante et parcourt mollement les rues d’Athènes en trucidant au passage les habitants en les aspergeant de sauce qui les brûle au quatrième degré (sic). En face vont se dresser une journaliste à sensation, un ministre et sa femme, une grosse dame amoureuse d’un astronome hétérosexuel (c’est suffisamment rare dans ce film pour le signaler) et... j’en vois deux qui rigolent dans le fond, j’arrête là la description.
Niveau effets spéciaux, ça vaut pas un bon Star Trek des années soixante. Niveau intrigue, Plan 9 from outer space (Ed Wood) est au moins égalé. Niveau personnages, on n’avait pas vu une telle étude de fond depuis... Les Bricol’Girls justement. Niveau épreuve pour le spectateur, on n’est pas loin d’un bon vieux Christophe Lambert (avec de meilleurs dialogues, quand même).
Bref, un film à voir après avoir fumé trois pétards et s’être murgé à la 1664, avec des potes de préférence tolérants mais enclins à la déconne. Parce que des fois qu'il y ait un doute, ce film n'est pas à prendre au premier degré.
L’Attaque de la moussaka géante, Panos H. Koutras, 1999

mardi 5 février 2013

Julien a vu... Fantastic Four


Vu le 25 juillet 2005
Reed Richards, le Géo Trouvetou de l’univers Marvel, part se balader en orbite avec son meilleur pote, son ex et le petit frère de celle-ci. Plus le gros méchant. Malheureusement, alors qu’une araignée radioactive ou des rayons gamma suffisent en général, eux c’est carrément une inexplicable (et d’ailleurs inexpliquée) tempête cosmique qui les prend dans ses filets et les transforme en quatre super héros en pyjama. Plus un super méchant en robe de chambre.
Le film de super héros étant en train de devenir un genre en soi, il est grand temps d’en définir les limites. Une tâche délicate à laquelle des réalisateurs aussi divers que Sam Raimi, Bryan Singer ou Ang Lee s’adonnent avec bonheur et fébrilité. X-Men et Spider-Man constituant pour l’instant sans conteste le haut du panier, on saura gré à Ang Lee d’avoir pris soin de définir l’origine de cette nouvelle échelle de valeurs avec son Hulk. Entre ces extrêmes viennent se promener des ovnis scintillants tels que Daredevil, Blade, The Punisher, Spawn, Batman Begins et pas mal d’autres… Mais dans quels abysses de négativité faudra-t-il plonger pour coter cet improbable objet que constitue Les Quatre Fantastiques ?
Car ce long-métrage constitue en quelque sorte l’équivalent du zéro kelvin par rapport au 0 °C représenté par Hulk. En fait, le film est tellement extrême qu’il frôle le génie involontaire*. Tim Story réinvente le nanar super héroïque, une performance pour qui connaît les perles que constituent Nick Fury, L’Homme puma ou encore Captain America (des films qui avaient au moins l’excuse de leur budget tiers-mondiste). Enfonçant le récent Punisher (quand je vous dis qu’il y a de la perf’ !) qui au moins avait l’air de croire en ce qu’il faisait, même mollement, Story*** partait de toute façon très mal avec les quatre personnages les plus inintéressants de l’univers Marvel. Le quatuor en bleu accumulait déjà les tares scénaristiques sur le papier : le couple modèle, avec les pouvoirs les plus ridicules du monde (l’homme élastique et la femme invisible !), la Torche qui se la pète (élément bien rendu dans le film, sauf qu’il fait dix bonnes années de trop) et la Chose, seul perso vaguement profond, ankylosé ici par un humour à deux balles et un costume irrémédiablement foireux. Quant au méchant Victor von Doom, alias Fatalis en français, supposé être un des vilains les plus charismatiques de la bande dessinée américaine, il se retrouve réduit au statut de Palpatine pouilleux dans une scène magique où, après avoir balancé quelques éclairs, il évoque un « unlimited power » qui fera rire tous les fans de Star Wars.
Tim Story, un réalisateur à suivre donc, signe ici une sorte de nanar définitif, nouvelle référence dans le registre super héroïque moderne. Seule une nouvelle adaptation de Captain America ou, soyons fous, un Punisher 2, pourrait lui ravir son nouveau titre de gloire. Ne désespérons pas, tout est possible : en haut lieu, on parle d’adapter Namor
Fantastic Four, Tim Story, 2005.
* Il bascule définitivement du statut de navet sans intérêt à celui de nanar plein de surprises quand la copine de la Chose descend tranquille en nuisette dans la rue pour retrouver son chéri, pratique apparemment courante dans les venelles sordides de New York. À partir de là, le film plonge dans un grand n’importe quoi hilarant, accumulant les scènes surréalistes**.

** Mention spéciale pour le strip-tease de Jessica Alba, sans doute le plus inutile depuis la mythique scène dite de « l’électrocution » dans Deep Blue Sea !

*** Connu par ailleurs pour avoir réalisé la version US de Taxi, comme quoi y avait déjà du potentiel !