mercredi 18 mars 2015

Les films du moment

Petite pause dans ma série sur les eighties, parce que... ben c'est fatiguant de chroniquer un vieux film par semaine, donc je fais un break. Du coup, je vais donner rapidement mon avis sur les films que j'ai vus au cinéma ces dernières semaines, et qui sont encore à l'affiche. Ceux qui me suivent sur Facebook auront déjà eu plusieurs de ces opinions, mais bon...


Big Hero 6 (Les Nouveaux Héros, Don Hall et Chris Williams II)
Le dernier Disney est un moyen cru. Visuellement, c'est sublime (Disney a enfin rattrapé son retard sur Dreamworks en ce qui concerne les scènes de vol), San Fransokyo est pleine de designs réussis, le robot Baymax est génial... malheureusement ce sont les seules originalités. Pour tout le reste, on est dans le cliché le plus absolu, le film est terriblement prévisible et, même si sur le moment l'action est cool, on l'oublie deux jours après l'avoir vu. Dommage.

 

Birdman (Alejandro Gonzáles Iñárritu)
Sans problème mon film préféré de l'année pour l'instant. Sur la forme, c'est un plan-séquence d'une heure et demie assez tape-à-l’œil mais réussi, qui parvient à ne pas lasser le spectateur. Mais surtout, sur le fond, c'est une étude de caractère fascinante, et un film très intéressant sur les mondes du théâtre (Broadway) et du cinéma (Hollywood). Michael Keaton est stupéfiant (comme souvent), Edward Norton à la fois hilarant et touchant, Emma Stone a de gros yeux mais joue toujours aussi bien... le film à voir en ce moment.


La Famille Bélier (Éric Lartigau)
Je me suis déjà exprimé sur cette abomination ici, je n'en rajoute pas. J'ai détesté, si vous avez aimé j'en suis ravi pour vous, mais pour moi ce fut une expérience abominable que je ne souhaite à personne.
 

The Imitation Game (Morten Tyldum)
Un biopic sur la vie d'Alan Turing, père de l'informatique, avec Benedict "Sherlock" Cumberbatch ? Bien sûr que j'y suis allé ! Mais à l'arrivée, c'est assez décevant. Le film s'attarde bien plus sur les personnages que sur l'aspect scientifique, ce que je trouve dommage. D'une part parce qu'il y avait matière à une vulgarisation intéressante et truffée de métaphores. D'autre part parce que les personnages ne sont pas particulièrement géniaux. Si l'interprétation de Cumberbatch est bluffante (il fait passer des scènes totalement nazes pour des performances shakespeariennes), le personnage qu'il interprète est plus proche d'un Sheldon Cooper que du véritable Alan Turing. Celui-ci avait certes une personnalité particulière, mais ce n'était pas le sociopathe que décrit le film. Dommage.


It Follows (David Robert Mitchell)
Les films qui m'ont vraiment fait flipper en salles ne sont pas légion, mais celui-ci en fait définitivement partie. La mise en scène est élégante, le concept malin et simple (la marque des bons films d'horreur) et ça parle de sexe tout du long. Ce n'est pas parfait, mais ça s'en rapproche.


Kingsman - The Secret Service (Matthew Vaughn)
La critique est unanime envers ce film, ce qui ne lasse pas de m'étonner. En  me calant sur le réglage "très indulgent", je dirais que c'est "correct". Mais en me remettant au niveau normal, je dirais que bof. Le film hésite trop entre vrai délire et sérieux, à mon avis il ne réussit pas l'équilibre subtil nécessaire quand on veut faire ce genre de mélange. A l'arrivée on se retrouve avec un sous-MIB mâtiné d'un sous-Wanted (deux films qui ne sont déjà pas des références pour moi) ; l'humour fait parfois mouche mais sombre très souvent dans le vulgos (voir des Anglais distingués dire "fuck" tous les trois mots, c'est marrant cinq minutes, mais au bout d'une heure et demie ça perd un peu de son impact)... Finalement il y a surtout les méchants à sauver (Samuel L. Jackson est cool, Gazelle aussi). Et le final, où le film se décide enfin pour le "gros délire", est sympa. Ce qui, malheureusement, rappelle brutalement que le reste est soit trop conventionnel, soit complaisamment vulgaire.


Réalité (Quentin Dupieux)
les films de Quentin Dupieux ne ressemblent à rien d'autres que des films de Quentin Dupieux. Impossible pour moi de vous décrire Réalité, en tout cas de vous en raconter l'intrigue, c'est trop tordu et ça vous donnerait une fausse idée du film. Dupieux réalise de vrais objets de cinéma chelou, non identifiés, inclassables et fascinants. Personnellement j'ai adoré, mais c'est clairement le genre de chose que je ne peux recommander à personne. Si vous êtes un peu curieux, jetez-y un coup d’œil, en gardant l'esprit ouvert. Vous vous ferez peut-être happer par l'expérience comme j'ai pu l'être. Ou pas. Et dans ce cas vous avez quand même de la chance, ça dure à peine une heure et demie.

mercredi 11 mars 2015

Hairspray (John Waters, 1988)

L'affiche ne joue même pas sur les rondeurs de l'héroïne, signe qu'on s'en fout pas mal.
Bon, en fait c'est la jaquette du DVD, je n'ai pas réussi à trouver l'affiche originale en bonne qualité.
Baltimore, 1963 : la jeune Tracy Turnblad ne rêve que de participer au Corny Collins Show. Bien qu’en surpoids et d’extraction modeste, elle devient une star de l’émission de danse et commence à utiliser sa notoriété pour défendre la cause de l’intégration (l’émission ne laisse évidemment pas les noirs et les blancs danser sur le même plateau, et propose même un « Negro Day »). Ce qui ne plaît pas à tout le monde. 

D’où ça vient ? 
Pour changer, parlons un peu du réalisateur, John Waters

Une moustache bien particulière et caractéristique du personnage.
Il s’agit en fait d’un hommage au chanteur Little Richard.
John Waters a grandi à Baltimore, Maryland, et vous ne pouvez pas le rater vu que tous ses films s’y déroulent. Baltimore n’est pas exactement le paradis sur terre, c’est plutôt l’équivalent américain de Saint-Étienne. Une ville industrielle où le chômage et la ségrégation ont mené à une situation de guerre civile, à la légalisation de l’inceste et de la pédophilie, et à… euh… excusez-moi, un ami stéphanois (apparemment les Saint-Étiennais s’appellent comme ça entre eux) vient de m’appeler pour me dire que j’exagérais un chouïa, vu qu’aucun homosexuel n’avait été pendu à Saint-Étienne depuis juin dernier, donc ça va. Bref, Baltimore, ça craint un peu. Mais on s’y amuse bien. 
Gamin, Waters était fasciné par la violence et le gore, et il a passé toute sa carrière de cinéaste à explorer le mauvais goût. Il est réellement remarqué par le grand public grâce à Pink Flamingos (1972), dans lequel il explore l’extrême du genre, notamment quand il fait manger à son acteur transsexuel fétiche Divine une crotte de chien devant la caméra. Récemment il s’est un peu calmé, avec des comédies comme Pecker (1998) ou Cecil B. Demented (2000), mais c’est en 1988 qu’il a vraiment su toucher le grand public avec la comédie musicale Hairspray, qui n’usurpe ni le terme « musical », ni celui de « comédie ». 

Et aujourd’hui ça donne quoi ? 
Hairspray, c’est donc une vision du Baltimore des années soixante particulièrement enchanteresse, avec un apartheid de fait qui aujourd’hui est carrément choquant (le « Negro Day », ça fait quand même bizarre à lire). 

Aaaah, les années 1960 et leurs danses subtiles.
Pourtant le film est enthousiasmant, car très, très positif. Déjà l’héroïne, jouée par une Ricki Lake qui a eu bien du mal à conserver son surpoids à travers les leçons de danse nécessaires au rôle, incarne une jeune fille incroyablement sympathique. Drôle, enjouée, elle ne perd jamais le nord, danse merveilleusement et reste de bonne humeur en toute circonstance, sans avoir l'air cruche pour autant. Tracy se moque complètement de son surpoids, elle sait qu'elle est cool et n'a aucun problème d'intégration. 

Le film reste vraiment agréable à suivre, surtout si vous aimez la musique des années 1960, qu’elle soit « blanche » ou « noire » (aujourd’hui tout s’est tellement mélangé qu’on est bien en peine de faire la différence, comme quoi c’est bien con de séparer les genres). 
Et surtout, il traite avec fun et intelligence son sujet de fond : l'intégration. Parce que si, en apparence, le film parle de l'intégration des noirs (déjà un sujet pas du tout anodin), en sous-texte on a quand même ici une histoire dont l'héroïne est une obèse heureuse et sans complexe (chose impensable dans le cinéma de l'époque, et encore difficile aujourd'hui) et dont un des acteurs principaux est transsexuel. Sans que ce ne soit jamais le thème du film, ni même un sujet de discussion (seuls les Van Tussel, antagonistes de l'histoire, y trouvent à redire, tout le reste de la ville s'en fiche). On pourrait croire le message du film est un peu daté alors qu'en fait il a, encore aujourd'hui, des années d'avance !
Le film a d'ailleurs tellement plu qu'il a été adapté à Broadway en comédie musicale en 2002. Et franchement, ça pète la classe.

Le casting dont on se souvient 

Ricki Lake 

Je vous jure qu'elle danse super bien.
Une comédienne au parcours particulier : son premier grand rôle fut Hairspray, qu’elle enchaîna sur une quinzaine de film avant de sombrer dans l’oubli. Ou pas : après un régime drastique, elle se retrouve présentatrice de son propre talk-show, très populaire, et reprend sa carrière de comédienne. 

Jerry Stiller 

C'est aussi à lui que je pense quand j'imagine le père de Howard Wolowitz
dans The Big Bang Theory. Je sais pas pourquoi. C'est probablement raciste...
Pour tous les fans de Seinfeld comme moi, Jerry Stiller sera toujours le père de George Constanza (c’est une tradition de faire jouer les parents par des comédiens connus, regardez Elliott Gould dans Friends). Mais pour les autres, disons simplement que c’est le père de Ben Stiller. En vrai.

Pia Zadora 
Le twist, ça va, le blues, ça va, mais les beatniks... ça coince un peu.
Il y a Pia Zadora dans ce film. Oui, Pia Zadora ! Bon, elle a un tout petit rôle (très drôle toutefois), mais quand même. 
Quoi ? Mais si, Pia Zadora ! Bon sang, elle jouait dans Le Père Noël contre les Martiens
Non ? Bon, et ça, ça vous dit quelque chose ? 


Ah mais ! 

Bonus 
La comédie musicale Hairspray a été adaptée en 2007 au cinéma par Adam Shankman, avec Nikki Blonsky dans le rôle de Tracy, Michelle Pfeiffer en Velma Von Tussle et John Travolta en… Edna Turnblad (logique, le rôle de la mère de Tracy étant à l’origine tenu par Divine). Oui, c'est une adaptation cinéma de l'adaptation musical du film de Waters. Et franchement, je l’ai trouvé plutôt cool, bien rythmé et tout aussi enthousiasmant que l’original. Même si, en 2007, c’était forcément moins risqué qu’en 1988, la dénonciation de l’intolérance est présente et le film est agréable. Bref, si vous craignez que le style « sixties vues par les eighties » vous dérange, c’est un palliatif très convenable, et un vrai remède contre la morosité. 

mercredi 4 mars 2015

Beetlejuice (Tim Burton, 1988)

Le studio n’aimait pas le titre Beetlejuice, et a suggéré d’appeler le film Ghost House.
Ce à quoi Burton répondit « Oui, et pourquoi pas Scared Shitless [“À se chier dessus de trouille”] ? »
Il a eu paraît-il très peur quand il a vu les pontes du studio l’envisager pour de bon.

Barbara et Adam Maitland forment un couple heureux quoique sans enfant, qui meurt tristement autant dans un accident de voiture que dans les premières minutes du film. C’est triste. Mais leurs esprits demeurent dans leur belle maison, et c’est terrifiés qu’ils voient débarquer un nouveau couple d’habitants, les Deetz : le surmené Charles, l’envahissante Delia et leur gothique adolescente Lydia. Incapables de s’en débarrasser eux-mêmes, notre couple de fantômes fait appel à un « anti-exorciste » trépassé. Vous connaissez son nom. 

D’où ça vient ? 
En 1988, Tim Burton a essentiellement réalisé Pee-Wee Big Adventure, version cinéma de l’émission pour enfants sous crack de Pee-Wee Herman. Le film étant bon, mais surtout marqué par l’esthétique du comique, personne n’attend la nouvelle œuvre de Burton (à part ceux qui connaissent ses courts-métrages Vincent ou Frankenweenie). Il reprend alors un projet de film d’horreur à base de démons, et modifie substantiellement le contenu.

Tim Burton.
Je vois vraiment pas pourquoi les dirigeants en col blanc des studios
ne lui faisaient pas confiance...
À la base, Betelgeuse (oui, son vrai nom c’est Betelgeuse, comme l’étoile… "Beetlejuice" c’est juste un rébus pour faire prononcer son nom à moment donné dans le film, mais le département marketing a préféré garder ça pour le titre) était un démon reptilien ailé venu sur terre pour tuer les Deetz. Il aurait notamment tenté de violer Lydia, se serait transformé en écureuil enragé pour attaquer une petite fille… bref, un script nettement moins sympathique. 

 
Vous voyez, c'est écrit : Be-tel-geuse.

Burton change tout ça et ajoute sa patte visuelle, qui prend définitivement ses marques : les rayures noir et blanc, les vers des sables, le gothique tourmenté… et Michael Keaton, qui fera si grande impression qu’il le gardera (envers et contre tous) pour incarner Bruce Wayne dans ses deux Batman

Et aujourd’hui, qu’est-ce que ça donne ? 
Visuellement, le film est bien sûr un peu daté, mais il a un charme indéniable. Comme un délire de sale gosse : Betelgeuse est répugnant (Keaton a énormément improvisé sur le plateau), le couple Maitland adorable, Lydia est charmante (toute jeunette Winona Ryder), les Deetz agaçants, les décors magnifiques et l’intrigue finalement prenante, et plutôt originale. 

Une vision de l'au-delà parfaitement crédible : l'enfer ressemble à une longue file d'attente à la Poste.
Personnellement ça me parle.
Mais étonnamment, on se souvient surtout de deux choses : la série animée qui en fut dérivée, qui est arrivée chez nous bien avant le film, et la musique monumentale de Danny Elfman. C’est d’ailleurs amusant de voir que le film est beaucoup plus dark que le dessin animé (qui, lui, jouait surtout sur le côté crade, avec un Beetlejuice amateur de cafards et de crottes de nez). 

Le casting dont on se souvient 

"J'ai vu l'avenir, Alec... tu vas jouer dans The Shadow... et moi dans L'Île aux pirates...
- Arrête tes conneries Geena.
- Ah, et je jouerai dans un bon film de Ridley Scott.
- Tu vois bien que c'est n'importe quoi !"
Alec Baldwin et Geena Davis 
Les grands oubliés du film, puisque la série animée désintègre leurs personnages. Ils sont pourtant très attachants, leur tendresse et leur détresse passent vraiment bien à l’écran. 

J'suis trop dark !
Winona Ryder 
On peut dire qu’elle s’en sort bien : elle reviendra bien vite dans Edward Scissorhands (Edward aux mains d’argent, Burton, 1990), puis dans le Dracula de Coppola (1992) et dans plein de films par la suite. À noter qu’elle a eu du bol : le rôle avait été proposé à Lori Loughlin, Diane Lane, Sarah Jessica Parker, Brooke Shields, Molly Ringwald et Jennifer Connelly, qui l’ont toutes refusé. 

"Guess what? I'm Batman!"
Michael Keaton 
Bon, vous savez tous que Michael Keaton souffre en France de sa terrifiante ressemblance avec Julien Lepers. Dans ce film ça ne gêne pas trop vu qu’il est méconnaissable, mais c’est un acteur généralement épatant, comme il le prouve dans le très, très bon Birdman, qui vient de sortir et que je vous conseille. Ah, et il doublait Ken (le copain de Barbie) dans Toy Story 3. C’est rigolo. 

Bonus 
Une suite était prévue, qui devait s’intituler Beetlejuice Goes Hawaiian. Non, ce n’est pas une blague. D’ailleurs elle est toujours annoncée, mais seulement annoncée, rien ne semble avancer de côté-là, donc forcément, il n’y a pas de bande-annonce (en revanche, en tapant "Tim Burton", vous trouverez son prochain film, Big Eyes, qui a l'air cool - plus que les dernières saloperies qu'il nous a servies en tout cas). Alors je vous laisse plutôt avec ce putain de générique à réveiller les morts. Parce que Danny Elfman, à l’époque, c’était la mégaclasse. 


mercredi 25 février 2015

Nine 1/2 Weeks (9 semaines 1/2, Adrian Lyne, 1988)

Tout est bon pour attirer des gens sur mon blog !

Quelque temps après son divorce, une galeriste new-yorkaise rencontre un séduisant et mystérieux financier. Ils vont vivre une relation torride (pendant un peu plus de deux mois, d’où le titre), où l’homme va exercer une domination de plus en plus forte, jusqu’à l’inévitable éclatement. 

D’où ça vient ? 
En ces temps de 50 Nuances de Grey, je me suis dit qu’il était temps de parler de vrais films traitant des problématiques de domination. J’aurais bien évoqué Secretary (La Secrétaire, Shainberg, 2002), mais on aurait été loin des années quatre-vingt (je vous le conseille néanmoins, c’est nettement mieux que Fifty Shades of mes couilles). Retour donc en 1988 avec ce film totalement culte adapté du moins culte livre éponyme d’Elizabeth McNeill. 

Adrian Lyne.
"Non, prends-la plutôt sur la commode, le parquet c'est trop confortable !"

Le réalisateur, Adrian Lyne, est bien connu des cinéphiles puisqu’il a réalisé Flashdance (euh…) et surtout Jacob’s Ladder (L’Échelle de Jacob, 1990), un film à l’ambiance horrifique fascinante qui a notamment beaucoup influencé le jeu vidéo Silent Hill. Lyne a une réputation de réal borderline, qui aime bien traiter de sujets délicats. Dans cette optique, on se doute que 9 Semaines 1/2 s’éloigne pas mal de la fanfiction de Twilight

Aujourd’hui, qu’est-ce que ça donne ? 
Le film est lent, et marqué par l’esthétique urbaine des eighties : ruelles sombres et humides, avenues encombrées avec stands de hot-dogs, vapeur et fumée... les New-yorkaises portent des choucroutes sur la tête et des vestes à épaulettes, les hommes de grands manteaux sombres. Mais tout s’y prête, et Lyne connaît son boulot : on n’est pas là pour raconter Le Seigneur des anneaux, mais pour entrer dans l’intimité d’une relation passionnée et ponctuelle. 
Le couple Elizabeth/John (Gray… bon sang, pourquoi est-ce que tous les hommes fascinés par la domination s’appellent Gray ? Dans 9 Semaines 1/2, dans La Secrétaire, dans 50 Shades… !) est dysfonctionnel, mais il s’inscrit dans le temps. La relation est courte (puisqu’elle dure neuf semaines… et demie… ouais, bon, vous vous en doutiez), et à la fin Elizabeth, n’y trouvant plus son compte, renonce et lâche l’affaire (ah, ouais... spoiler ! Ouais, trop tard, je sais). 
C’est d’ailleurs la grande différence avec 50 Shades, où le consentement n’entre guère en considération. Dans 9S1/2, Elizabeth expérimente, mais quand ça va trop loin elle arrête les frais, et John accepte. On m'objectera que 50 Shades relève du pur fantasme, alors que 9S1/2 est nettement plus réaliste dans son approche.
Les comédiens sont impeccables, et heureusement parce qu'ils en ont chié : Lyne étant un réalisateur du type « connard », il a sciemment manipulé les émotions de Kim Basinger et Mickey Rourke sur le tournage pour obtenir les performances qu’il attendait. Il les empêchait de communiquer en dehors du plateau, faisait circuler des rumeurs sur l’un ou l’autre, attribuait des notes aux performances de Rourke mais pas à celles de Basinger, rien que pour l’énerver… Il a été jusqu'à filmer le tout dans l’ordre chronologique des scènes (ce qui est moins pratique et plus cher), juste pour que l’agacement réel et croissant de Basinger se traduise dans le film par la montée de l'angoisse de son personnage. 

Ah, la scène érotique sous la pluie froide d'une ruelle sordide.
Vous avez déjà essayé ? Faut être vraiment très, très, très excité.
Ah, et parlons un peu des scènes de cul. À l’époque, le film était complètement carré blanc (pour les plus jeunes, c’était un petit signal en bas de l’écran qui indiquait qu’il fallait rester attentif et se cacher des parents). Aujourd’hui il fait pâle figure à côté de n’importe quel épisode de Game of Thrones. Mais il faut reconnaître que ces scènes érotiques le sont diablement (même si techniquement on doit voir un derrière et un téton qui se balade). Ah, et non, ce n’est pas le vrai « cul en forme de cœur » de Basinger qu’on voit dans les scènes de dos, elle avait une doublure corps sur le tournage. 

Les scènes cultes 

Je suis ton ami... ton ami c'est moi...
 
Bon, difficile d’y couper : la scène du strip-tease de Basinger, monument du genre, sur You Can Leave Your Hat On de Joe Cocker. Mais saviez-vous que c’est Randy Newman qui l’a composée ? Oui, le mec qui a écrit les musiques de Toy Story. À noter que la bande originale du film contient aussi Slave to Love, de Brian Ferry, qui semble particulièrement adapté à l’intrigue. 

Le casting 

Bonjour, je suis Kim Basinger.
Vous m'avez déjà vu dans Batman, Cool World et L.A. Confidential,
où je pète la classe par tous les trous.

Kim Basinger 
Aujourd’hui, si vous dites « Kim Basinger » à un ado, il va juste demander si c’est un jeu multi ou solo. Mais dans les années quatre-vingt, c’était le summum de l’érotisme, avec Sharon Stone et Cindy Crawford. Le rôle fut disputé puisque avant elle ont été envisagées Kathleen Turner, Sigourney Weaver, Andie MacDowell, Teri Garr, Demi Moore, Isabella Rossellini, Tatum O’Neal et Dominique Sanda. 

Bonjour, je suis Mickey Rourke; et à l'époque je ressemblais vaguement à Bruce Willis.
Enfin, au Bruce Willis de l'époque. Aujourd'hui je ressemble plutôt à Danny Trejo.

Mickey Rourke 
À l’époque, pareil, c’était the beau gosse, l’ultimate BG. Depuis il s’est fait cassé la gueule un paquet de fois, ce qui ne lui a pas trop mal réussi puisque son facteur charisme a explosé. Aujourd’hui Rourke est connu pour son rôle anecdotique mais mémorable dans The Expendables et surtout celui de Marv dans Sin City. Et de Whiplash dans Iron-Man 2 (le seul truc dont je me souvienne dans ce film). Une voix caverneuse et un physique de monstre de foire, ça marque. 

Bonus 
Saviez-vous qu’il y a eu une suite à 9 Semaines 1/2, intitulée Love in Paris (ou, plus putassièrement, Another 9 Weeks 1/2) ? Je ne l’ai pas vu, donc je ne vais pas trop baver dessus, mais vu la bande-annonce, ça ressemble à un mauvais soap opera, filmé caméscope à l’épaule, Mickey Rourke a sans doute été payé en « vacances gratuites à Paris » et… bref, ça a l'air à chier sur les murs.

mercredi 18 février 2015

Romancing the Stone (À la poursuite du diamant vert, Robert Zemeckis, 1984)

« Romancing the Stone », c’est de l’argot de joaillier.
Comme c’est apparemment intraduisible en français,
on est parti sur un titre plus explicatif, qui a le mérite de rester dans les mémoires :
À la poursuite du diamant vert.
Au moins on évite les noms de personnage :
il aurait sans doute fallu mettre en avant ou Wilder ou Colton,
et ils fonctionnent en tandem à peu près équivalent.

Romancière new-yorkaise, Joan Wilder reçoit un appel à l’aide de sa sœur. Celle-ci a été enlevée en Colombie et Joan doit rapporter là-bas la rançon : une mystérieuse carte au trésor menant à une non moins mystérieuse pierre. Bien sûr Joan n’a aucune prédisposition pour ce genre de voyage, et elle va tomber chemin faisant sur Jack T. Colton, aventurier Américain charmeur et exilé. Ensemble, ils affronteront les arnaqueurs, les trafiquants de drogue et les militaires corrompus qui font tout le charme de l’Amérique du Sud. 

C’est beau la Colombie hein ?
Bon en fait ils ont tourné au Mexique,
à cause des risques trop grands de vrai kidnapping. Boucle bouclée.
D’où ça vient ? 
L’histoire derrière Romancing the Stone est presque plus fascinante que le film lui-même. Beaucoup ont crié à la repompe des Aventuriers de l’arche perdue, sorti en 1981, mais le scénario de Romancing the Stone date en réalité de 1979 et est l’œuvre de Diane Thomas. Et si vous ne la connaissez pas, c’est d’abord parce que vous connaissez sans doute peu de scénaristes, et ensuite surtout parce que son histoire tragique ne lui a pas permis de laisser une trace. 

Serveuse à Malibu, elle a un jour l’occasion de présenter son script (tous les serveurs de Californie ont un script prêt à tourner, ça fait partie des conditions d'embauche) à Michael Douglas, qui passait par là. Celui-ci adore l’histoire et propose de produire le film. Ce dernier rencontre un beau succès et la carrière de Thomas s'annonce désormais sous les meilleurs auspices. Michael Douglas lui offre une Porsche pour la remercier, elle commence à travailler sur un nouveau projet avec Steven Spielberg, et... elle se tue lors d’un accident avec ladite Porsche. La suite de Romancing the Stone, The Jewel of the Nile (Le Diamant du Nil, Teague, 1985), lui est dédiée. Un troisième opus, The Crimson Eagle (L’Aigle écarlate ?), aurait dû voir le jour mais le faible succès du Diamant du Nil fait annuler le projet. Elle aurait dû se passer en Thaïlande, Joan et Jack ayant deux enfants. 

Mais revenons au premier film : à l'époque, les dirigeants de la 20th Century Fox étaient convaincus qu'il allait faire un four. Ils avaient perdu toute confiance dans le réalisateur débutant Robert Zemeckis, au point qu'ils le virèrent de la réalisation de Cocoon avant même que Romancing the Stone ne sorte en salles ! Finalement le succès fut  tel que le réalisateur put enchaîner sur son propre projet, un long-métrage anecdotique avec Michael J. Fox, Christopher Lloyd et une DeLorean tunée dont vous avez peut-être entendu parler. 

Bob Zemeckis. Sans doute un de mes réalisateurs préférés.
Oui, parce qu’on va quand même parler un peu de Bob Zemeckis, sans doute un des réalisateurs les plus emblématiques des eighties. Zemeckis, c’est le premier Spielberg-like auquel on pense, et d’ailleurs sa filmographie est à mon avis limite plus mémorable que celle de Steven. Back to the Future (Retour vers le futur – les trois !), Who Framed Roger Rabbit? (Qui veut la peau de Roger Rabbit ?, 1988), Forrest Gump (1994), Contact (1997), Cast Away (Seul au monde, 2000)… des films qui ont profondément touché le grand public (tous produits par Spielberg). Zemeckis est un des cinéastes qui ont su passer de l’entertainment pur des eighties aux histoires plus sérieuses et introspectives des nineties, en acquérant au passage l’estime des critiques. Ce n’est pas rien, et tous ne s’en sont pas si bien sortis. 


Les gentils méchants, qui ne font que kidnapper et être rigolos,
par opposition aux méchants méchants, qui tuent et portent du kaki.

Et aujourd’hui qu’est-ce que ça donne ? 
Romancing the Stone fait partie de ces films que tout le monde a vus, et un peu oubliés (même s’il doit passer une fois par an à la télé). Il est typique des eighties, dans son esthétique (coiffure à choucroute, mulettes, 4L…) comme dans son histoire enfilant les clichés des romans d’aventure tout en s’en moquant gentiment. 
On est loin des Aventuriers de l’arche perdue, mais on ne copie pas exactement la même chose : Indiana Jones parodie les pulps, Wilder et Colton parodie les romances à l’eau de rose. À l’arrivée, le film remplit son office. On passe un bon moment, DeVito est rigolo, Turner et Douglas attachants, et on peut même trouver le couple assez réussi et complémentaire : ce n’est pas Colton qui fait tout le boulot, Wilder aussi débloque certaines situations, et globalement l'un ne s'en sortirait pas sans l'autre. Les musiques sont d’Alan Silvestri, qui reviendra officier sur tous les films de Zemeckis par la suite. Pas le meilleur film du monde, mais difficile à détester ! 

 
La 4L, « l’ami fidèle ».
Non, je déconne pas, c’était à l’époque la voiture la plus vendue en Colombie,
et les pubs télé la présentaient effectivement comme « El amigo fiel ».

Le casting 

Dans trente ans, je joue Liberace.
Michael Douglas 
Oui ben Michael Douglas, quoi ! Le fils de Kirk Douglas qui ressemble à Dave. Qui dans les eighties a souvent été associé à Kathleen Turner : Romancing the Stone et sa suite, bien sûr, mais aussi La Guerre des Rose (DeVito, 1989), comédie dramatique sur le divorce plutôt sympathique. 

Dans quinze ans, je joue le père de Chandler Bing.

Kathleen Turner 
Qu’elle était belle, la femme fatale des années quatre-vingt. Turner a joué avec les meilleurs (Coppola, Waters, Huston…), son timbre profond lui a permis de doubler Jessica Rabbit et elle est même revenue après un petit passage à vide dans Virgin Suicide (Sophia Coppola, 1999). Mais comme par la suite elle a pris un peu de poids on la retrouve dans le rôle du père (oui, père) de Chandler dans Friends en 2001. 

Dans huit ans, je joue... le Pingouin ?
Danny DeVito 
Le nabot le plus célèbre de Hollywood avant Peter Dinklage. Danny DeVito est connu pour promener son physique courtaud dans bon nombre de comédies (souvent avec Schwarzenegger, ce qui n’est pas un gage de qualité), mais c’est aussi un comique de télévision très apprécié, notamment pour la série Taxi (rien à voir avec Sammy Nacéri) avec l’inclassable comédien Andy Kaufman (si vous ne connaissez pas, je vous suggère le film Man on the Moon, Shapiro, 1999). Et il a réalisé Matilda en 1996, que beaucoup de fans de Roald Dahl adorent. 

Bonus
Une série télé Romancing the Stone est en pourparlers depuis quelques années. Impossible de trouver un bout de pilote, mais ça pourrait être rigolo, le principe du couple désassorti partant à l'aventure faisant toujours recette. Dommage que ça ait déjà été fait cent cinquante milliards de fois, va falloir bosser dur pour faire un truc bien. S'ils prennent Nathan Fillion et Jenna Fischer, ça peut être cool. Mais les rumeurs ont plutôt parlé de Gerard Butler et Katherine Heigl.


Casting pressenti. Bon, pourquoi pas ?
Casting idéal (oui, je suis en train de finir The Office en ce moment !)

mercredi 11 février 2015

Matinee (Panic sur Florida Beach, Joe Dante, 1993)

Oui, le titre original de Panic sur Florida Beach est Matinee.
"Matinee", ça se traduirait en français par "matinée", c'est-à-dire
une séance ayant lieu dans l'après-midi dans les cinéma et théâtre.
Oui, une matinée, c'est dans l'après-midi, c'est comme ça.

Le pitch
Key West, Floride : le père du jeune Gene Loomis vient d’être envoyé en mission du côté de Cuba. On vient de découvrir des rampes de lancement de missiles, c’est la fameuse crise de 1962, durant laquelle le monde fut au seuil d’une Troisième Guerre mondiale. Et c’est dans cette joyeuse ambiance que débarque Lawrence Woolsey, réalisateur de films d’horreur, venu promouvoir son nouveau long-métrage Mant! (une histoire d’homme qui se transforme en fourmi géante).

D’où ça vient ?
Bon, je craque doublement mon principe pour cette chronique : le film n’a pas été réalisé dans les années quatre-vingt, et il parle des années soixante ! Mais je voulais vous parler de Joe Dante, réalisateur un peu oublié et pourtant emblématique des eighties.


Joe Dante et avec un de ses acteurs les plus connus.


Bien sûr, j’aurais pu évoquer Gremlins (1984), mais bon, tout le monde a vu Gremlins (et Gremlins 2, une des rares suites à égaler, si ce n’est surpasser son prédécesseur). Ou La Seconde Guerre de sécession (The Second Civil War, 1997), ou Hurlements (The Howling, 1981), ou L’Aventure intérieure (Innerspace, 1987… tiens, peut-être que j’en reparlerai en fait…). Mais j’ai choisi Matinee, d’abord parce que j’avais envie de le voir, et ensuite qu’il est très, très cool. 
Joe Dante, c’est clairement un de ces réalisateurs « Spielberg-like », comme il y en avait toute une écurie à cette époque. Robert Zemeckis, Chris Columbus, Barry Levinson… Dante étant un peu le « sale gosse » de l’équipe, celui qui faisait des trucs toujours orientés jeunesse, mais un peu flippants, un peu malsains, un peu à côté. Étonnamment, en dehors de Gremlins, le succès populaire des films de Dante est inversement proportionnel à leur qualité, et personne ne se souvient de Matinee, pourtant sans doute un de ses films les plus personnels et les plus aboutis.

Et aujourd’hui, ça donne quoi ?


Mant dans toute sa terreur. Et vous l'avez pas entendu parler...

Ça dépote. Déjà parce que, le film ne se déroulant pas dans les années où il a été produit, il en reconstitue l’ambiance de manière pas trop datée. Et surtout parce qu’il s’agit d’une lettre d’amour passionnée au cinéma bis des années cinquante-soixante. Le contexte politique est ouvertement exposé : on est en pleine Guerre Froide, et les films de science-fiction mettant en scène la crainte des Rouges sont à l’honneur. Dante est d’ailleurs allé caster de vrais acteurs des années cinquante, comme Kevin McCarthy ou Robert Cornthwaite, pour jouer dans Mant!, le film dans le film. 

John Goodman incarne un réalisateur de série B directement inspiré de William Castle, dont la silhouette assise et mâchonnant un cigare est pour ainsi dire devenu un cliché de Hollywood. Castle était connu pour les gimmicks qu'il créait pour améliorer l'expérience du spectateur : animations effrayantes dans la salle, buzzer planqué dans les sièges pour faire sursauter au moment crucial, souscription d'assurances-vie avant la séance en cas de mort de peur... toutes ces idées qui semblent aujourd'hui délirantes, Castle les a mis en œuvre, comme Woolsey le fait dans le film. Le producteur Mr. Spector est quant à lui inspiré de Samuel Z. Arkoff, dirigeant d’American International Pictures, société productrice de pas mal de films d’exploitation aux noms hallucinants (Frogs, The Vampire Lovers, Dr. Goldfoot and the Bikini Machine…). Matinee est truffé de ce genre de références au cinéma de cette époque.

Ajoutez une vision intéressante de la jeunesse et de son rapport à l’horreur et à la peur (celles des films et celles de la vraie vie, allant des bagarres et des amours à la perte des proches et la guerre) et un John Goodman passionné qui passe son temps à exposer les tenants et aboutissants profonds de son métier de cinéaste et de l’art en général, et vous obtenez plus qu’un film : une thèse sur une époque.
Je ne dis pas que c’est le meilleur film de 1993 (chacun sait que c’est Super Mario Bros), mais bon sang il vaut le coup d’œil !

Le casting dont on se souvient


Bonjour, je suis Orson Welles. Je m'permets d'interrompre ce flim
parce qu'on se fout un peu d'ma gueu... euh pardon, ça m'est venu tout seul.
John Goodman est une de ces trognes qu’on voit dans tous les films et qu’on ne peut pas ne pas aimer. Son physique imposant ne l’a pas empêché de jouer n’importe quel rôle, y compris dans un bon paquet de films des frères Coen, mais vous vous souvenez forcément de lui dans Roseanne, dans Arachnophobie (évidemment que je n’ai pas vu Arachnophobie, je suis moi-même horriblement arachnophobe), dans La Famille Pierrafeu… et dans cent cinquante mille autres films.



Je suis un connard, c'est écrit sur ma gueule.

Robert Picardo a une tête à jouer les connards, et le fait est, il a dû jouer un connard dans absolument toutes les œuvres tournées aux États-Unis depuis les années soixante-dix. Et dans la plupart des films de Joe Dante. Et dans Star Trek, aussi.


Son personnage s'appelle Ruth Corday, hommage à Mara Corday, qui jouait dans Tarantula,
Le Scorpion noir et l'improbable The Giant Claw (et fut la Mrs. Octobre de Playboy en 1958).
Cathy Moriarty apparaît dans pas mal de films, mais vous vous en souvenez peut-être parce qu’elle joue la méchante aux côtés d'Eric Idle (quand même !) dans Casper (Silberling, 1995, un film pas si nul qu’on pourrait s’y attendre), et la stricte Mary Brown dans le cultissime But I’m a Cheerleader (Babbit, 1999).

Bonus
La bande-annonce de Mant!, parce que c'est tellement génial que ça vaudrait le coup de payer sa place rien que pour ça.

mercredi 4 février 2015

Planes, Trains and Automobiles (Un ticket pour deux, John Hugues, 1987)

Ok, ok, je sais que vous avez l'impression de déjà connaître
le scénario du film rien qu'à voir l'affiche. Et vous savez quoi ?
Vous avez raison. Mais c'est quand même bien.

Le pitch 
C’est Thanksgiving et Neal Page, un marketteux sérieux qui travaille trop loin de sa famille, veut rentrer la retrouver. Il s’en va donc prendre l’avion pour Chicago, parce que dans les films de John Hugues tout tourne toujours autour de Chicago, sauf que y a la tempête, et du coup il peut pas rentrer. Mais il tombe sur Del Griffith, ventripotent vendeur d’anneaux pour rideaux de douche, qui va l’aider tout en lui pourrissant la vie comme jamais. 

D’où ça vient ? 
Je vous ai déjà parlé de John Hugues. Si, ici, faites pas comme si c’était pas vrai ! Hugues est un des réalisateurs de comédies les plus cultes des eighties, j’ai parlé de The breakfast Club et de La Folle Journée de Ferris Bueller, qui sont relativement peu connus du grand public français, mais vous connaissez forcément ce film de Noël réalisé par Chris Columbus et dont Hugues a signé le scénario : Home Alone (Maman j’ai raté l’avion, 1990). 

Écrire une légende sous une légende, c'est bizarre...

Toujours est-il qu’en 1987, John Hugues, c’était un monstre sacré de la comédie, mais qu’il était surtout connu à travers ses films pour et sur la jeunesse. Avec Planes, Trains and Automobiles (rebaptisé Un ticket pour deux en VF, et pour une fois je vais pas râler parce que je trouve le titre original très étrange), il s’attaquait à une comédie plus adulte quoique bon enfant. Et avec un certain brio. 

Et aujourd’hui, ça donne quoi ? 
PT&A est une comédie comme on en a vu trois millions à peu près, où deux personnages que tout oppose sont contraints de s’entraider pour parvenir à leurs fins. D’un côté le sérieux Neal Page, chargé de marketing, propre sur lui qui va vivre sa période « Pierre Richard puissance dix ». De l’autre Del Griffith, VRP bavard et crade, le cœur sur la main mais maladroit dans tous les sens du terme. L’humour venant ici des catastrophes que va vivre Neal au fur et à mesure, et bon sang il va manger bon ! 
Au début, je l’ai senti assez mal, ce film. Tout semblait très plan-plan, on devinait ce qui allait se passer : ils allaient s’associer, des problèmes allaient se déclencher, Neal allait encaisser sans rien dire jusqu’au deux tiers du film environ puis ils allaient s’engueuler, se barrer chacun de son côté, et quand Neal allait se retrouver face à une difficulté imprévue Del allait débarquer de nulle part pour l’aider à la surmonter et tout le monde se retrouverait en famille pour manger la dinde (oui, je pourrais être scénariste, et alors ?). Eh ben non en fait. Déjà, ils s’engueulent dès le premier tiers du film. Par la suite, ils se croisent et se recroisent, s’aident parfois, parfois pas… et le final se déroule, beaucoup plus en douceur qu'on ne l'aurait cru. En revanche les déboires que traverse Neal sont littéralement homériques et vraiment, vraiment drôles. 
Ce film est un classique de Thanksgiving, un peu comme Astérix le Gaulois pour Noël chez nous (en mieux quand même), et beaucoup le considèrent comme une des meilleures comédies des années 1980. Sans aller jusque-là, il vaut le coup d’œil, plus qu’on ne le croirait. 

Le casting 


J'ai fait beaucoup de mauvais films, mais je mérite quand même mon grade de grand comédien !
 
Steve Martin est grandiose. Il incarne aussi bien le col blanc stressé qui essaie de garder son calme que le type explosant de colère devant l’incompétence de l’univers. Ses scènes plus calmes ne sont pas en reste : doté d'un visage étonnamment expressif, il arrive à faire passer beaucoup d'émotion sans dire grand-chose. 


Fun fact : TP&A était le film préféré de John Candy.
John Candy (dit « Le Regretté ») joue un personnage insupportable et attachant. Si vous ne comprenez pas pourquoi ce mec était aussi aimé, il faut vous souvenir qu’il pouvait aussi bien jouer l’entraîneur blasé de Cool Runnings (Rasta Rockett – oui, vous ne vous doutiez pas que ce n’était pas le titre original, hein ? –, Turteltaub, 1994), le frère coureur de jupons de Tom Hanks dans Splash (1984), un avocat dans JFK (Stone, 1991) ou l’animateur radio tout fou de La Petite Boutique des horreurs (The Little… attendez, j’en ai déjà parlé non ?). 

Les scènes cultes 


Je réalise soudain que cette scène m'évoque fortement La Grande Vadrouille...


La première engueulade entre nos deux protagonistes est magique : elle arrive beaucoup plus tôt qu’on ne le croirait dans le film et est particulièrement savoureuse au niveau des répliques de Neal. Del est en effet le genre de personne qui passe son temps à raconter des anecdotes inintéressantes au possible, en les estimant drôles parce qu'elles étaient drôles sur le moment. Et Neal de lui répliquer cette phrase qu'on aurait tous aimer sortir un jour aux gens qui se croient drôles sans savoir raconter : « Vous savez ce que vous pourriez donner à vos histoires ? Un sens ! Ça les rendrait tellement plus intéressantes pour l'auditoire ! » 


Je suis calme et détendu.
La scène mémorable du film. Steve Martin arrive, excédé, au guichet de la compagnie de location de voitures, il pète un plomb et se met à engueuler la vendeuse. La scène dure très précisément une minute, et le mot « fuck » est prononcé dix-neuf fois. Ce n’est pas anodin, car à l’époque prononcer ce mot dans un film le plaçait automatiquement dans la catégorie PG-13, soit « déconseillé au moins de 13 ans ». Du coup, quand on sait qu’on va être classé PG-13, on en profite et on utilise le mot aussi souvent que nécessaire, mais pas ici ! Non, Hugues n’utilise ce terme que pour cette scène, pendant ces soixante petites secondes. Le résultat, en décalage complet avec le ton du film, est hilarant. À noter que, comme souvent, la scène perd énormément de son impact une fois traduite en français. 

Bonus
Parce que la scène est définitivement grandiose, et que je sache il n'y a eu ni remake, ni série télé, ni rien adapté du film...