mercredi 17 décembre 2014

They Live (Invasion Los Angeles, John Carpenter, 1988)


Le pitch
John est nouveau en ville. Étienne Lantier moderne (moins instruit mais plus musclé), il trouve du boulot sur un chantier de Los Angeles. Le soir, il dort dans un bidonville du coin (oui, il y en a à L.A.). Tout va moyennement dans le plus morne des mondes jusqu’au jour où, après une descente de police, il trouve des lunettes de soleil très étranges. À travers elles il voit la vérité, à savoir que les messages publicitaires parsemant la ville intiment en réalité aux gens l’ordre d’obéir, de consommer et de se taire. Pire, des extraterrestres semblent avoir pris l’identité des humains et occuper les plus hautes strates sociales. Que faire ? Tirer dans le tas bien sûr !

Spoiler : vous n’avez jamais vu de Carpenter ? Vous ne savez pas comment il finit ses films ? Je vous aide, ça implique généralement un gros doigt dressé fièrement contre l’establishment et, bien souvent, les spectateurs. Celui-ci ne fait pas exception.

Le casting dont on se souvient


Gnnnnn... inspirer... expirer... inspirer...
Euh... c'est quoi après ?

Roddy Piper, incarnant ici le héros John Nada (qui n’est appelé ainsi que dans le générique de fin, presque personne n’ayant de nom dans le film), est un catcheur, et ça se voit. Déjà parce qu’il déploie un charisme rappelant assez l’huître arcachonnaise, et ensuite parce qu’il se bat assez mal, à coups de clé de bras et de projection absurde. Sa carrière de comédien est assez pauvre, et son rôle de Nada en reste le pinacle.


Quand on peut pas avoir Samuel L. Jackson, qui c'est qu'on appelle ?

Keith David, le copain black du héros, presque aussi con que lui, a joué dans des dizaines de films des rôles dont on se souvient généralement. Mais pour aller droit au but, c’est le père de Cameron Diaz dans There’s Something About Mary (Mary à tout prix, Farelly, 1998). « Merguez pois chiches », voilà !

Les scènes cultes


Salut tout le monde. Je suis juste là pour balancer une réplique légendaire,
après je me casse, promis.

- La scène absolument culte, celle pour laquelle tout le monde se souvient du film, c’est cette réplique, depuis attribuée à un autre personnage fortement inspirée de John Nada. Quand celui-ci débarque dans une banque, bien vénère et armé d’un fusil à pompe, il lance un brutal : « I’m here to kick ass and chew bubblegum. And I'm all out of bubblegum! » Non, ce n’est pas Duke Nukem qui a inventé cette ligne, c’est bien John Carpenter.


Nous sommes transportés dans une autre dimension,
une dimension faite non seulement de paysages et de sons,
mais aussi d’esprits et d'effets spéciaux foireux...

- La scène où Nada découvre le pouvoir des lunettes est un passage stupéfiant si on ne connaît pas le sujet du film. Un vrai basculement dans le fantastique, comme on les aime et qui assume complètement son cousinage avec The Twilight Zone (La Quatrième Dimension).


C'est pour moi, ça me fait plaisir.

- La scène finale, avec un magnifique plan nichons totalement gratuit, que je vous montre parce que c’est Noël.

Et aujourd’hui, qu’est-ce que ça donne ?
They Live est un film culte que personne ne connaît, mais dont j’entends tout le temps parler. Ce n’est pas une merveille, même s’il reste extrêmement cohérent dans la filmographie de John Carpenter, réalisateur anar et antisystème qui adore ce genre de fable sociopolitique. Tourné en deux mois avec un budget ridicule (Carpenter se remettait mal de l’échec de Big Trouble in Little China, dont je vous promets que je reparlerai), ce film est donc ce que le réal a fait de plus proche d’un épisode de La Quatrième Dimension (ce qui, sur le papier, donne carrément envie).

L’autre grande influence étant évidemment Invasion of the Body Snatchers (L’Invasion des profanateurs de sépultures, Siegel, 1956), grand classique du fantastique horrifique qui a été copié, recopié et plagié des dizaines de fois (du remake de 1978 à The Faculty en 1998). Le film est toutefois assez lent (la bande-son lancinante, signé Carpenter – oui, il fait tout cet homme ! – n’y est pas pour rien) et accuse de sérieuses baisses de rythme, un défaut apparemment classique des films de cette période.

Mais, surtout, le personnage principal manque cruellement de charisme. Avec sa mulette et ses muscles de culturiste, Roddy Piper tient plus du bœuf aux hormones que du tragédien, et on devine que Carpenter aurait préféré filmer son acteur fétiche Kurt Russel (rien que cette idée me fait saliver). La scène où Nada et son pote Franck se maravent la gueule pendant plus de six minutes sans aucune raison est particulièrement atterrante, autant en termes de jeu que de rythme, et résume à elle seule les principaux points faibles du film. Mais celui-ci se relève aussitôt pour une dernière demi-heure beaucoup plus jouissive durant laquelle les twists s’enchaînent jusqu’au bouquet final et à une conclusion en queue de poisson comme les adore le réalisateur. Un film qui aurait certes gagné à ne durer qu’une heure, mais un film à voir, à l’occasion.

Bonus
Ça fait des années qu’on parle d’un remake de They Live, mais l’étrange Branded (Dulerayn, 2012) semble déjà avoir fait le taf. En même temps, They Live est en soi un remake, donc…

mercredi 10 décembre 2014

The Breakfast Club (John Hugues, 1985)



Le pitch 
Cinq lycéens se retrouvent en retenue un samedi. Un athlète, un rebelle, une fille à papa, un geek et une freak. Sous la surveillance du professeur Vernon, ils doivent rédiger une dissertation sur un sujet pas si anodin que ça : « Qui pensez-vous être ? » 
Spoiler : à la fin, le rebelle emballe la fille à papa, la freak emballe l’athlète et le geek, qui n’emballe personne (normal, c’est un geek, plus tard il sera patron de Facebook ou de Google, je suppose que ça compense), rédige une dissertation commune en forme de pied de nez : « Nous sommes tous un athlète, une fille à papa, un rebelle, un geek et une freak. Sincèrement, signé : le Breakfast Club » 

Le casting dont on se souvient 

Bonjour bande de raclures de bidet,
je serai votre antagoniste pendant tout le film.
Paul Gleason, qui joue M. Vernon, le connard de surveillant, jouera souvent les connards puisqu’on le revoit en chef de la police dans Piège de cristal (Die Hard, McTiernan, 1988). Il parodiera même son rôle de Vernon dans le très mésestimé Sex Academy (Not Another Teen Movie, Gallen, 2001). 

 
Salut. J'suis quaterback, mais tu peux dire QB,
parce que c'est plus rapide à dire que quaterback.
Emilio Estevez était une des découvertes d’Outsiders (Coppola, 1983), le film qui a révélé Tom Cruise, Matt Dillon, Patrick Swayze, Rob Lowe… Dans les années 1980 il a connu un certain succès, mais on ne peut pas dire qu’on l’ait beaucoup vu récemment. Ce frère de Charlie Sheen (si !) est aussi bien connu outre-Atlantique pour être l’entraîneur de hockey dans Les Petits Champions (The Mighty Ducks, Herek, 1992). Le film a certainement moins marqué en France… 

Les scènes cultes 

T'as pas intérêt (à m'oublier), des Simples d'Esprit.
- Si une chose est culte dans ce film, même en France, c’est sa bande originale : Don’t You (Forget About Me), des Simple Minds, pour toujours associé aux mèches adolescentes des années 1980. 
"Bande de p'tits salopards ! Qui veut aller pisser ?"
 - Les scènes où les cinq ados font face à Vernon ont donné le la de toutes les confrontations de l’adolescence envers l’autorité en ambiance lycéenne (le rebelle à blouson assis sur son bureau, le geek qui prend des notes, la freak qui dessine au fond de la salle…). 
"Attends... mais t'es carrément plus hot que moi !"

"Ah, voilà, c'est mieux. Tu vas voir, le style Candy Crush, c'est complètement d'avant-garde !"

- La scène de transformation de la freak en nunuche rose bonbon, que le film nous décrit comme une sublimation du personnage alors que a) elle est nettement moins jolie comme ça, et b) c’est au contraire le triomphe du conformisme. Comme elle débouche en plus sur un baiser entre l’athlète et la freak, idée qui sort de nulle part (il n’y a eu aucune tension de séduction entre eux pendant tout le film), je trouve cette scène totalement abracadabrante. 

Et aujourd’hui, qu’est-ce que ça donne ? 
Bon, je vais avoir un problème, c’est que je m’attaque à John Hugues. Si ce nom ne vous dit rien, sachez que John Hugues est considéré comme le cinéaste qui a compris la jeunesse américaine. Il a réalisé The Breakfast Club, mais aussi La Folle Journée de Ferris Bueller (Ferris Bueller’s Day Off, 1986, qui a fortement inspiré une de mes séries cultes, Parker Lewis ne perd jamais), Une créature de rêve (Weird Science, 1985, dont la série Code Lisa est une adaptation)… bref, pour simplifier, c’est lui qui a inventé le teen movie. Le problème, c’est que je n’aime aucun de ces films. Je trouve les personnages de Hugues terriblement énervants, stupides, égoïstes et archétypaux au possible. Seulement… c’est aussi pour ça que Hugues est adulé : ces archétypes qu’on a vu cent mille fois ailleurs, c’est lui qui les a inventés. 

Mais revenons à The Breakfast Club. Il faut reconnaître une chose, le film comprend effectivement l’âge dont il parle. C’est un des premiers films à saisir et montrer le mal-être des ados américains, cette pression délirante de la société qui leur est tombée dessus depuis la libération des années 1960. Les cinq archétypes se méprisent par principe, jusqu’à ce qu’ils commencent à se découvrir des points communs. Leur soudaine proximité appelle des questionnements : maintenant, on est amis, mais lundi, quand la classe reprendra, est-ce que le rebelle ne me cassera pas la figure ? Est-ce que la princesse rose bonbon à ma droite me parlera ? 

Par ailleurs, le film est tellement fondateur que vous avez forcément vu, dans une série, un film ou un dessin animé, une bande de jeunes sur ce modèle. Les archétypes et leur interaction si classiques de la highschool à l’américaine, qu’on se traîne de Buffy contre les vampires à Daria, d’Angela, 15 ans à Glee… ils sont nés là, dans The Breakfast Club. Et une influence pareille, ce n’est pas négligeable. 

Surtout, Hugues fut le premier à aller au-delà de la différence, de la simple confrontation des modèles, pour montrer que l’adolescence était un moment difficile pour tout le monde, quel que soit son clan. L’ennemi, ce n’est pas le rebelle pour le geek, ni la princesse pour la gothique. L’ennemi, c’est la société qui essaie de vous formater, c’est the Man, incarné ici par le rigide professeur Vernon. Hugues reprendra cette idée dans Ferris Bueller, en plus loufoque. À l’époque, c’était tout simplement révolutionnaire. 
Mais voilà, vu d’aujourd’hui, le film accuse un rythme faiblard et des personnages si caricaturaux qu’ils en sont vides de toute substance. L’idée au-dessus est bonne, mais l’exécution difficilement supportable à nos yeux habitués à un peu plus de subtilité dans le traitement. En fait, je crois que ce qui m’empêche de vraiment aimer ce film, c’est que je n’étais pas ado dans les années 1980. Et qu’il semble que j’ai raté une expérience pas forcément drôle, mais clairement unique. Car plus personne ne sera ado dans les années 1980. 

Le bonus
Ah ben oui, va falloir vous le fader dans la caboche toute la journée. Sentez-moi comme ça dégouline d'années quatre-vingt !


mercredi 3 décembre 2014

Fright Night (Vampire, vous avez dit vampire ? Tom Holland, 1985)


Le pitch 
Le jeune Charley Brewster est tranquillement en train d’emballer sa copine dans sa chambre quand il voit par la fenêtre que Jerry Dandridge, son nouveau voisin, a des crocs et massacre des prostituées. Bien sûr personne ne le croit, il va donc faire appel à Peter Vincent, célèbre tueur de vampires télévisé, pour essayer de vaincre ce terrible adversaire. 
Spoiler : il arrive à le tuer et à sauver sa copine (mais pas son pote énervant, transformé en vampire au soulagement général – il est beaucoup plus intéressant à partir de là). À la fin, deux yeux rouges dans la chambre d’en face semblent signifier que en fait, le pote énervant n’est pas complètement mort. 

Le casting dont on se souvient 


Roddy McDowall, qui incarne le chasseur de vampire Peter Vincent (hommage à Peter « Van Helsing » Cushing et Vincent « je suis l’idole de Tim Burton, ça vous suffit pas ? » Price, deux immenses acteurs de films d’horreur), a une filmographie longue comme le bras. Il apparaît dans Le Jour le plus long, le Cléopâtre de Mankiewicz, La Planète des singes, il fait même la voix de M. Sol (le chambellan) dans 1 001 pattes



Chris Sarandon est l’ex-mari de Susan Sarandon. Et non, ce n’est pas lui qui a pris le nom de sa femme. Il est surtout connu pour son rôle du prince Humperdinck dans Princess Bride (dont je reparlerai certainement), et c’est lui qui double Jack Skellington dans L’Étrange Noël de monsieur Jack. Il fait même une apparition dans le remake de Fright Night de 2011. 

Les scènes cultes 


 - La scène où Ed attaque Peter Vincent reste en général dans les mémoires, grâce à l’usage de la croix qui lui scarifie le front, et à sa fuite presque cartoonesque. 



- La scène dans la boîte de nuit où Dandridge emballe Amy, à la fois pas du tout subtile et très finement jouée, puisqu’on devine l’état hypnotique dans lequel la jeune fille est mise sans que la mise en scène n’insiste lourdement dessus. Aujourd’hui on aurait sûrement des effets sonores et une voix-off à la con (d’ailleurs je n’ai pas vu le remake mais je suis quasi sûr que c’est ce qu’ils ont fait). 

 
- La scène finale où Amy s’est transformée en vampire à (très) grande bouche est définitivement une image classique du film d’horreur des années 1980. 

Et aujourd’hui, qu’est-ce que ça donne ? 
Ma cousine m’avait montré ce film alors que je devais avoir dix ans, et il m’avait complètement terrifié (alors qu’elle m’avait dit « mais non, c’est un film rigolo ! »). Pourtant, après l’avoir revu à tête reposée, il faut bien admettre qu’elle avait raison, c’est plus une comédie d’horreur. Mais qui n’oublie pas de poser une ambiance un peu angoissante. 
La mise en scène est convenable, parfois même élégante, et repose en grande partie sur la conviction des acteurs, notamment Chris Sarandon, assez impressionnant en vampire à la fois séduisant et menaçant. Le film parie beaucoup sur des effets visuels qui, pour l’époque, sont assez convaincants. On est bien avant l’ère du numérique, nous avons donc droit à des maquillages et animatronics plus ou moins réussis, mais parfaitement dans l’ambiance (le film rendant hommage aux séries Z des années cinquante). La scène de « détransformation » du loup garou est particulièrement impressionnante, quoique longuette. 
À l’arrivée, il s’agit sans aucun doute d’un bon film. L’ambiance est bien posée, l’intrigue intéressante (même si on a parfois envie de claquer certains personnages, notamment l’abominable copain « Evil » Ed). Le scénario mélange finalement Dracula et Fenêtre sur cours, un cocktail curieux qui fonctionne plutôt bien. Et à l’époque, les adaptations modernes du mythe vampirique n’étaient pas si courantes. Le Hollywood des années 1980 passera une grande partie de son temps à réinventer son bestiaire fantastique, et cette version du vampire ne détonne absolument pas au milieu des gremlins et autres spectres. 

Le bonus
Il y a eu un remake de Fright Night en 2011 avec Colin Farrell. J'aime bien Colin Farrel, mais la bande-annonce laisse deviner une redite tape-à-l'œil, bourrée de jump scare (bouh !). Mais je ne l'ai pas vu, peut-être vaut-il le coup.