mercredi 18 mars 2015

Les films du moment

Petite pause dans ma série sur les eighties, parce que... ben c'est fatiguant de chroniquer un vieux film par semaine, donc je fais un break. Du coup, je vais donner rapidement mon avis sur les films que j'ai vus au cinéma ces dernières semaines, et qui sont encore à l'affiche. Ceux qui me suivent sur Facebook auront déjà eu plusieurs de ces opinions, mais bon...


Big Hero 6 (Les Nouveaux Héros, Don Hall et Chris Williams II)
Le dernier Disney est un moyen cru. Visuellement, c'est sublime (Disney a enfin rattrapé son retard sur Dreamworks en ce qui concerne les scènes de vol), San Fransokyo est pleine de designs réussis, le robot Baymax est génial... malheureusement ce sont les seules originalités. Pour tout le reste, on est dans le cliché le plus absolu, le film est terriblement prévisible et, même si sur le moment l'action est cool, on l'oublie deux jours après l'avoir vu. Dommage.

 

Birdman (Alejandro Gonzáles Iñárritu)
Sans problème mon film préféré de l'année pour l'instant. Sur la forme, c'est un plan-séquence d'une heure et demie assez tape-à-l’œil mais réussi, qui parvient à ne pas lasser le spectateur. Mais surtout, sur le fond, c'est une étude de caractère fascinante, et un film très intéressant sur les mondes du théâtre (Broadway) et du cinéma (Hollywood). Michael Keaton est stupéfiant (comme souvent), Edward Norton à la fois hilarant et touchant, Emma Stone a de gros yeux mais joue toujours aussi bien... le film à voir en ce moment.


La Famille Bélier (Éric Lartigau)
Je me suis déjà exprimé sur cette abomination ici, je n'en rajoute pas. J'ai détesté, si vous avez aimé j'en suis ravi pour vous, mais pour moi ce fut une expérience abominable que je ne souhaite à personne.
 

The Imitation Game (Morten Tyldum)
Un biopic sur la vie d'Alan Turing, père de l'informatique, avec Benedict "Sherlock" Cumberbatch ? Bien sûr que j'y suis allé ! Mais à l'arrivée, c'est assez décevant. Le film s'attarde bien plus sur les personnages que sur l'aspect scientifique, ce que je trouve dommage. D'une part parce qu'il y avait matière à une vulgarisation intéressante et truffée de métaphores. D'autre part parce que les personnages ne sont pas particulièrement géniaux. Si l'interprétation de Cumberbatch est bluffante (il fait passer des scènes totalement nazes pour des performances shakespeariennes), le personnage qu'il interprète est plus proche d'un Sheldon Cooper que du véritable Alan Turing. Celui-ci avait certes une personnalité particulière, mais ce n'était pas le sociopathe que décrit le film. Dommage.


It Follows (David Robert Mitchell)
Les films qui m'ont vraiment fait flipper en salles ne sont pas légion, mais celui-ci en fait définitivement partie. La mise en scène est élégante, le concept malin et simple (la marque des bons films d'horreur) et ça parle de sexe tout du long. Ce n'est pas parfait, mais ça s'en rapproche.


Kingsman - The Secret Service (Matthew Vaughn)
La critique est unanime envers ce film, ce qui ne lasse pas de m'étonner. En  me calant sur le réglage "très indulgent", je dirais que c'est "correct". Mais en me remettant au niveau normal, je dirais que bof. Le film hésite trop entre vrai délire et sérieux, à mon avis il ne réussit pas l'équilibre subtil nécessaire quand on veut faire ce genre de mélange. A l'arrivée on se retrouve avec un sous-MIB mâtiné d'un sous-Wanted (deux films qui ne sont déjà pas des références pour moi) ; l'humour fait parfois mouche mais sombre très souvent dans le vulgos (voir des Anglais distingués dire "fuck" tous les trois mots, c'est marrant cinq minutes, mais au bout d'une heure et demie ça perd un peu de son impact)... Finalement il y a surtout les méchants à sauver (Samuel L. Jackson est cool, Gazelle aussi). Et le final, où le film se décide enfin pour le "gros délire", est sympa. Ce qui, malheureusement, rappelle brutalement que le reste est soit trop conventionnel, soit complaisamment vulgaire.


Réalité (Quentin Dupieux)
les films de Quentin Dupieux ne ressemblent à rien d'autres que des films de Quentin Dupieux. Impossible pour moi de vous décrire Réalité, en tout cas de vous en raconter l'intrigue, c'est trop tordu et ça vous donnerait une fausse idée du film. Dupieux réalise de vrais objets de cinéma chelou, non identifiés, inclassables et fascinants. Personnellement j'ai adoré, mais c'est clairement le genre de chose que je ne peux recommander à personne. Si vous êtes un peu curieux, jetez-y un coup d’œil, en gardant l'esprit ouvert. Vous vous ferez peut-être happer par l'expérience comme j'ai pu l'être. Ou pas. Et dans ce cas vous avez quand même de la chance, ça dure à peine une heure et demie.

mercredi 11 mars 2015

Hairspray (John Waters, 1988)

L'affiche ne joue même pas sur les rondeurs de l'héroïne, signe qu'on s'en fout pas mal.
Bon, en fait c'est la jaquette du DVD, je n'ai pas réussi à trouver l'affiche originale en bonne qualité.
Baltimore, 1963 : la jeune Tracy Turnblad ne rêve que de participer au Corny Collins Show. Bien qu’en surpoids et d’extraction modeste, elle devient une star de l’émission de danse et commence à utiliser sa notoriété pour défendre la cause de l’intégration (l’émission ne laisse évidemment pas les noirs et les blancs danser sur le même plateau, et propose même un « Negro Day »). Ce qui ne plaît pas à tout le monde. 

D’où ça vient ? 
Pour changer, parlons un peu du réalisateur, John Waters

Une moustache bien particulière et caractéristique du personnage.
Il s’agit en fait d’un hommage au chanteur Little Richard.
John Waters a grandi à Baltimore, Maryland, et vous ne pouvez pas le rater vu que tous ses films s’y déroulent. Baltimore n’est pas exactement le paradis sur terre, c’est plutôt l’équivalent américain de Saint-Étienne. Une ville industrielle où le chômage et la ségrégation ont mené à une situation de guerre civile, à la légalisation de l’inceste et de la pédophilie, et à… euh… excusez-moi, un ami stéphanois (apparemment les Saint-Étiennais s’appellent comme ça entre eux) vient de m’appeler pour me dire que j’exagérais un chouïa, vu qu’aucun homosexuel n’avait été pendu à Saint-Étienne depuis juin dernier, donc ça va. Bref, Baltimore, ça craint un peu. Mais on s’y amuse bien. 
Gamin, Waters était fasciné par la violence et le gore, et il a passé toute sa carrière de cinéaste à explorer le mauvais goût. Il est réellement remarqué par le grand public grâce à Pink Flamingos (1972), dans lequel il explore l’extrême du genre, notamment quand il fait manger à son acteur transsexuel fétiche Divine une crotte de chien devant la caméra. Récemment il s’est un peu calmé, avec des comédies comme Pecker (1998) ou Cecil B. Demented (2000), mais c’est en 1988 qu’il a vraiment su toucher le grand public avec la comédie musicale Hairspray, qui n’usurpe ni le terme « musical », ni celui de « comédie ». 

Et aujourd’hui ça donne quoi ? 
Hairspray, c’est donc une vision du Baltimore des années soixante particulièrement enchanteresse, avec un apartheid de fait qui aujourd’hui est carrément choquant (le « Negro Day », ça fait quand même bizarre à lire). 

Aaaah, les années 1960 et leurs danses subtiles.
Pourtant le film est enthousiasmant, car très, très positif. Déjà l’héroïne, jouée par une Ricki Lake qui a eu bien du mal à conserver son surpoids à travers les leçons de danse nécessaires au rôle, incarne une jeune fille incroyablement sympathique. Drôle, enjouée, elle ne perd jamais le nord, danse merveilleusement et reste de bonne humeur en toute circonstance, sans avoir l'air cruche pour autant. Tracy se moque complètement de son surpoids, elle sait qu'elle est cool et n'a aucun problème d'intégration. 

Le film reste vraiment agréable à suivre, surtout si vous aimez la musique des années 1960, qu’elle soit « blanche » ou « noire » (aujourd’hui tout s’est tellement mélangé qu’on est bien en peine de faire la différence, comme quoi c’est bien con de séparer les genres). 
Et surtout, il traite avec fun et intelligence son sujet de fond : l'intégration. Parce que si, en apparence, le film parle de l'intégration des noirs (déjà un sujet pas du tout anodin), en sous-texte on a quand même ici une histoire dont l'héroïne est une obèse heureuse et sans complexe (chose impensable dans le cinéma de l'époque, et encore difficile aujourd'hui) et dont un des acteurs principaux est transsexuel. Sans que ce ne soit jamais le thème du film, ni même un sujet de discussion (seuls les Van Tussel, antagonistes de l'histoire, y trouvent à redire, tout le reste de la ville s'en fiche). On pourrait croire le message du film est un peu daté alors qu'en fait il a, encore aujourd'hui, des années d'avance !
Le film a d'ailleurs tellement plu qu'il a été adapté à Broadway en comédie musicale en 2002. Et franchement, ça pète la classe.

Le casting dont on se souvient 

Ricki Lake 

Je vous jure qu'elle danse super bien.
Une comédienne au parcours particulier : son premier grand rôle fut Hairspray, qu’elle enchaîna sur une quinzaine de film avant de sombrer dans l’oubli. Ou pas : après un régime drastique, elle se retrouve présentatrice de son propre talk-show, très populaire, et reprend sa carrière de comédienne. 

Jerry Stiller 

C'est aussi à lui que je pense quand j'imagine le père de Howard Wolowitz
dans The Big Bang Theory. Je sais pas pourquoi. C'est probablement raciste...
Pour tous les fans de Seinfeld comme moi, Jerry Stiller sera toujours le père de George Constanza (c’est une tradition de faire jouer les parents par des comédiens connus, regardez Elliott Gould dans Friends). Mais pour les autres, disons simplement que c’est le père de Ben Stiller. En vrai.

Pia Zadora 
Le twist, ça va, le blues, ça va, mais les beatniks... ça coince un peu.
Il y a Pia Zadora dans ce film. Oui, Pia Zadora ! Bon, elle a un tout petit rôle (très drôle toutefois), mais quand même. 
Quoi ? Mais si, Pia Zadora ! Bon sang, elle jouait dans Le Père Noël contre les Martiens
Non ? Bon, et ça, ça vous dit quelque chose ? 


Ah mais ! 

Bonus 
La comédie musicale Hairspray a été adaptée en 2007 au cinéma par Adam Shankman, avec Nikki Blonsky dans le rôle de Tracy, Michelle Pfeiffer en Velma Von Tussle et John Travolta en… Edna Turnblad (logique, le rôle de la mère de Tracy étant à l’origine tenu par Divine). Oui, c'est une adaptation cinéma de l'adaptation musical du film de Waters. Et franchement, je l’ai trouvé plutôt cool, bien rythmé et tout aussi enthousiasmant que l’original. Même si, en 2007, c’était forcément moins risqué qu’en 1988, la dénonciation de l’intolérance est présente et le film est agréable. Bref, si vous craignez que le style « sixties vues par les eighties » vous dérange, c’est un palliatif très convenable, et un vrai remède contre la morosité. 

mercredi 4 mars 2015

Beetlejuice (Tim Burton, 1988)

Le studio n’aimait pas le titre Beetlejuice, et a suggéré d’appeler le film Ghost House.
Ce à quoi Burton répondit « Oui, et pourquoi pas Scared Shitless [“À se chier dessus de trouille”] ? »
Il a eu paraît-il très peur quand il a vu les pontes du studio l’envisager pour de bon.

Barbara et Adam Maitland forment un couple heureux quoique sans enfant, qui meurt tristement autant dans un accident de voiture que dans les premières minutes du film. C’est triste. Mais leurs esprits demeurent dans leur belle maison, et c’est terrifiés qu’ils voient débarquer un nouveau couple d’habitants, les Deetz : le surmené Charles, l’envahissante Delia et leur gothique adolescente Lydia. Incapables de s’en débarrasser eux-mêmes, notre couple de fantômes fait appel à un « anti-exorciste » trépassé. Vous connaissez son nom. 

D’où ça vient ? 
En 1988, Tim Burton a essentiellement réalisé Pee-Wee Big Adventure, version cinéma de l’émission pour enfants sous crack de Pee-Wee Herman. Le film étant bon, mais surtout marqué par l’esthétique du comique, personne n’attend la nouvelle œuvre de Burton (à part ceux qui connaissent ses courts-métrages Vincent ou Frankenweenie). Il reprend alors un projet de film d’horreur à base de démons, et modifie substantiellement le contenu.

Tim Burton.
Je vois vraiment pas pourquoi les dirigeants en col blanc des studios
ne lui faisaient pas confiance...
À la base, Betelgeuse (oui, son vrai nom c’est Betelgeuse, comme l’étoile… "Beetlejuice" c’est juste un rébus pour faire prononcer son nom à moment donné dans le film, mais le département marketing a préféré garder ça pour le titre) était un démon reptilien ailé venu sur terre pour tuer les Deetz. Il aurait notamment tenté de violer Lydia, se serait transformé en écureuil enragé pour attaquer une petite fille… bref, un script nettement moins sympathique. 

 
Vous voyez, c'est écrit : Be-tel-geuse.

Burton change tout ça et ajoute sa patte visuelle, qui prend définitivement ses marques : les rayures noir et blanc, les vers des sables, le gothique tourmenté… et Michael Keaton, qui fera si grande impression qu’il le gardera (envers et contre tous) pour incarner Bruce Wayne dans ses deux Batman

Et aujourd’hui, qu’est-ce que ça donne ? 
Visuellement, le film est bien sûr un peu daté, mais il a un charme indéniable. Comme un délire de sale gosse : Betelgeuse est répugnant (Keaton a énormément improvisé sur le plateau), le couple Maitland adorable, Lydia est charmante (toute jeunette Winona Ryder), les Deetz agaçants, les décors magnifiques et l’intrigue finalement prenante, et plutôt originale. 

Une vision de l'au-delà parfaitement crédible : l'enfer ressemble à une longue file d'attente à la Poste.
Personnellement ça me parle.
Mais étonnamment, on se souvient surtout de deux choses : la série animée qui en fut dérivée, qui est arrivée chez nous bien avant le film, et la musique monumentale de Danny Elfman. C’est d’ailleurs amusant de voir que le film est beaucoup plus dark que le dessin animé (qui, lui, jouait surtout sur le côté crade, avec un Beetlejuice amateur de cafards et de crottes de nez). 

Le casting dont on se souvient 

"J'ai vu l'avenir, Alec... tu vas jouer dans The Shadow... et moi dans L'Île aux pirates...
- Arrête tes conneries Geena.
- Ah, et je jouerai dans un bon film de Ridley Scott.
- Tu vois bien que c'est n'importe quoi !"
Alec Baldwin et Geena Davis 
Les grands oubliés du film, puisque la série animée désintègre leurs personnages. Ils sont pourtant très attachants, leur tendresse et leur détresse passent vraiment bien à l’écran. 

J'suis trop dark !
Winona Ryder 
On peut dire qu’elle s’en sort bien : elle reviendra bien vite dans Edward Scissorhands (Edward aux mains d’argent, Burton, 1990), puis dans le Dracula de Coppola (1992) et dans plein de films par la suite. À noter qu’elle a eu du bol : le rôle avait été proposé à Lori Loughlin, Diane Lane, Sarah Jessica Parker, Brooke Shields, Molly Ringwald et Jennifer Connelly, qui l’ont toutes refusé. 

"Guess what? I'm Batman!"
Michael Keaton 
Bon, vous savez tous que Michael Keaton souffre en France de sa terrifiante ressemblance avec Julien Lepers. Dans ce film ça ne gêne pas trop vu qu’il est méconnaissable, mais c’est un acteur généralement épatant, comme il le prouve dans le très, très bon Birdman, qui vient de sortir et que je vous conseille. Ah, et il doublait Ken (le copain de Barbie) dans Toy Story 3. C’est rigolo. 

Bonus 
Une suite était prévue, qui devait s’intituler Beetlejuice Goes Hawaiian. Non, ce n’est pas une blague. D’ailleurs elle est toujours annoncée, mais seulement annoncée, rien ne semble avancer de côté-là, donc forcément, il n’y a pas de bande-annonce (en revanche, en tapant "Tim Burton", vous trouverez son prochain film, Big Eyes, qui a l'air cool - plus que les dernières saloperies qu'il nous a servies en tout cas). Alors je vous laisse plutôt avec ce putain de générique à réveiller les morts. Parce que Danny Elfman, à l’époque, c’était la mégaclasse.