mardi 30 avril 2013

Julien a vu… Les Croods



Vu le 26 avril 2013
Eep et sa petite famille préhistorique vivent dans une caverne selon le mode de vie établi par leur père Grug : ne jamais s’éloigner de la caverne, ne jamais pas avoir peur, toujours rester sur le qui-vive en se souvenant que tout, absolument tout est susceptible de nous bouffer*. Eep aimerait partir à l’aventure, mais on imagine bien que ce n’est pas très bien vu. Jusqu’au jour où débarque Guy, un jeune garçon ingénieux qui prophétise la fin du monde.
Si vous avez vu la bande-annonce des Croods, vous savez déjà à quoi vous allez avoir affaire. Ce film d’animation est typique de chez Dreamworks : réalisation magnifique, intrigue classique mais agréable, univers et personnages sympathiques et attachants. Les seules originalités résidant généralement dans l’univers décrit et les personnages. Et il se trouve que Les Croods, à mon avis, vient se placer aux côtés des meilleurs du genre, comme Dragons ou Tempête de boulettes géantes**.
Le principal intérêt du film, ici, ce sont les personnages (soit la famille Croods, Guy, et c’est tout). Enfin, essentiellement deux : Eep et son père Grug. La première déjà parce qu’elle est une fille mais que ce fait n’intervient finalement qu’assez peu. Autant sa mère est une femme au foyer typique, autant Eep ne semble pas être particulièrement destinée à un rôle de domestique, ce qui ne pose de problème à personne. Eep n’est pas rebelle contre sa condition de femme, qui dans cet univers ne diffère fondamentalement pas de celle d’homme, elle est rebelle contre sa condition de créature traquée. C’est assez rafraîchissant en fait, et je trouve du coup Eep nettement plus intéressante que Merida, l’héroïne de Rebelle, qui n’est finalement qu’une princesse Disney classique en butte avec la tradition qui voudrait faire d’elle une femme soumise.
Quant à Grug, ce père devenu paranoïaque à force de voir tous ses voisins se faire dévorer par ce monde de merde, c’est finalement lui le héros de l’intrigue, celui qui va évoluer et voir son mode de pensée bousculé. Si le final est des plus traditionnels, il nous fera souvent beaucoup rire dans le film (quoique toute la famille, à la limite de l’animalité, est vraiment très drôle).
J’ai dû voir le film en version française, mais celle-ci est moins problématique que celle d’Hôtel Transylvanie dont j’avais déjà parlée : Bérengère Krief (la blonde de Bref) donne une bonne énergie à Eep et Kev Adams, malgré son côté ado agaçant, s’en sort bien en Guy. Mais c’est surtout Dominique Collignon-Maurin, doubleur attitré de Nicolas Cage et donc ici de Grug, qui rafle avec les honneurs pour son rôle de papa poule un peu difficile à vivre. Les pros du doublage, ça se repère quand même bien.
Mais surtout, Les Croods est une comédie d’action réjouissante, pleine de gags hilarants et avec, comme souvent chez Dreamworks, une réal impressionnante. Les scènes de course-poursuite, notamment la première où la famille*** part en quête de son petit déjeuner, sont toujours incroyablement immersives et dynamiques. Vraiment pas la pire façon de passer une heure et demie en famille, donc si vous vous ennuyez…
Les Croods, Chris Sanders et Kirk DeMicco, 2013
* Mais vraiment : à peu près tout ce qui bouge et pas mal de trucs qui ne bougent pas semblent animés de folie homicide ! D’ailleurs n’attendez pas une vision très réaliste de la Préhistoire : on a plus l’impression de se balader dans la vallée des Bannis de Spirou ou sur la planète multicolore d’Avatar (en mieux, bien sûr).
** Oui, si vous ne les avez pas vus vous ne soupçonnez pas forcément que ces films sont bons. Et pourtant, ce sont des œuvres imaginatives, intelligentes, drôles et bien fichues. Ça surprend, hein ? D’ailleurs le réalisateur Chris Sanders avait déjà dirigé Dragons (et Lilo et Stitch).
*** Vous noterez qu’elle a d’ailleurs changé de nom en français. Ben oui, en VO c’est la famille Crood, qui donne the Croods (puisque les anglophones s’autorisent à accorder les noms propres au pluriel). En français, ça donnerait les Crood, comme les Simpson ou les Indestructible. Ben non, c’est Les Croods. Ça sonne mieux, j’imagine. Ou alors on s’en fout que les gosses sachent écrire.

lundi 22 avril 2013

Julien a vu… Side Effects



Vu le 19 avril 2013
À la sortie de prison de son mari, Emily sombre dans la dépression. Le docteur Banks la prend en charge et s’occupe de lui prescrire ses antidépresseurs, jusqu’à ce que les effets secondaires de ceux-ci provoquent un drame. L’affaire propulse Emily sur le banc des accusés et la carrière de Banks sur la sellette. Mais est-on bien sûr du fin mot de tout cela ?
L’avant-dernier film de Steven Soderbergh* n’est pas un grand cru, mais selon comment vous le prenez il pourra faire son office de divertissement. De fait je l’ai vu plus ou moins par hasard. J’avais prévu d’assister à la conférence de Franck Lepage (que je vous conseille de découvrir si vous ne connaissez pas, ça se trouve en ligne sans problème), qui s’est avérée afficher complet, puis de la remplacer par le visionnage d’Oblivion, le dernier film de SF avec Tom Cruise, mais là aussi la séance était complète, alors j’ai regardé la liste des films à l’affiche et je me suis dit : « Tiens, un nouveau Soderbergh, j’étais pas au courant, allons voir. » C’est toujours sympa d’aller découvrir un film sans aucune idée préconçue, sans savoir à quoi s’attendre.
En l’occurrence, en l’attaquant comme ça, le film peut surprendre. Alors qu’on s’attend à suivre les déboires psychiatriques d’Emily, la jolie dépressive (Rooney Mara, plus connue pour son rôle de Lisbeth Salander dans le Millenium de David Fincher**), on se retrouve finalement dans la vie du docteur Jonathan Banks, incarné par un Jude Law au charisme impeccable. Mis en défaut par le procès de sa patiente, il voit sa carrière menacée et commence à s’enfoncer dans un délire paranoïaque sur une pseudo vérité cachée derrière l’affaire. Des rebondissements, il y en aura, et c’est la force et la faiblesse de ce film.
La force parce que sans ça, on s’ennuierait ferme, et certains twists sont réellement intéressants. La faiblesse parce qu’au bout d’un moment, ça confine au grotesque, et pas de manière voulue à la mode Sexcrimes. Amateur d’intrigues sulfureuses, Soderbergh plante son film vers les trois quarts dans un brouet narratif très daté « années quatre-vingt-dix » et n’aboutit à l’arrivée qu’au niveau d’un bon téléfilm de deuxième partie de soirée**. C’est dommage car les comédiens, Law, Mara, Zeta-Jones et même Channing Tatum***, méritaient mieux.
Side Effects, Steven Soderbergh, 2013
* Eh oui, le réalisateur de Sexe, mensonges et vidéo, d’Ocean’s 11, de Hors d’atteinte et d’une grosse trentaine d’autres films a officiellement annoncé qu’il prendrait sa retraite après son prochain long-métrage, Behind the Candelabra (Derrière le chandelier ?). C’est bien de savoir s’arrêter.
** Même le titre français, Effets secondaires (pourtant bien traduit), évoque déjà la bande-annonce foireuse sur M6. « Et après la Trilogie du samedi, ne ratez pas Effets secondaires ! » (merde, ça existe encore la Trilogie du samedi ? Sûrement pas, maintenant doit y avoir un truc de téléréalité à la con. Pfff, pauvre France !).
*** Il est d’ailleurs amusant de le voir en dehors de son rôle de gros bourrin de film d’action. Dans G.I. Joe, à côté de Dwayne Johnson, il avait l’air d’une crevette. Ici, entre Rooney Mara et Jude Law, on réalise à quel point ce mec est une armoire à glace (soi-disant 1,85 m pour 81 kg, mais j’en doute).

lundi 8 avril 2013

Julien a vu… G.I. Joe – Retaliation



Vu le 4 avril 2013
L’unité d’élite G.I. Joe est en crise : envoyée « exfiltrer » (c’est-à-dire voler) une arme nucléaire au Pakistan, elle est accusée de haute trahison par un faux président américain et sommairement exécutée. Tous les G.I. Joe sont morts ! Tous ? Non, car dans la vallée de l’Indus, trois militaires résistent encore et toujours à la Faucheuse. Ah, et il y a aussi un ninja casquée au Japon. Et Bruce Willis. Ouais, ils sont cinq en fait.
Il y a deux manières de réussir un film G.I. Joe (et des milliers de manières de le foirer). Soit vous traitez le sujet sérieusement, vous comprenez que c’est de guerre et de soldats qu’il s’agit et vous faites appel à des acteurs dignes de ce nom, à un scénariste compétent et à un réalisateur subtil. Soit vous considérez que les G.I. Joe sont une bande de rigolos avec des gros flingues qui combattent d’autres rigolos avec des gros flingues, et vous assumez le second degré. C’est cette seconde voie que ce film essaie de suivre. Y parvient-il ? Non. Mais il essaie, et rien que ça le rend dix fois plus regardable que le premier opus.
Bien sûr le film est mauvais. Les acteurs jouent avec modération (Dwayne Johnson n’a jamais fait d’étincelles dans sa carrière d’acteur, et c’est pourtant une de ses interprétations les plus subtiles à ce jour), les scènes d’action sont absurdes, la plupart des personnages construits avec les pieds* (les plus chanceux ont droit à trois ou quatre minutes d’exposition, la plupart à rien du tout)… mais il y a une tentative. Dans l’écriture des dialogues, déjà : on est cent coudées au-dessus de Transformers**, pour prendre un exemple totalement au hasard, le script introduisant un réel second degré dans les répliques des personnages. Un second degré qui, là encore, ne fonctionne que rarement, mais qui a le mérite d’exister et de faire comprendre que le réalisateur ne prend pas le film au sérieux. Plusieurs répliques sont authentiquement bonnes, elles ne sont juste pas mises dans le bon contexte.
En outre, et j’y mets toutes les précautions nécessaires, à savoir qu’on est dans un film où le réalisme des situations est une notion extrêmement large, le plan des méchants n’est pas totalement dénué d’intérêt. En fait, dans un autre film, avec un meilleur réalisateur et un ton mieux défini, je pense même que ça aurait pu donner un twist monumental.
Comme en plus le réalisateur Jon M. Chu*** parvient à rendre les scènes de baston relativement claires, c’est-à-dire qu’il limite les cuts épileptiques et évite les ralentis chichiteux, on se retrouve avec un produit non dépourvu de bonnes intentions. Pas assez, bien sûr, pour sauver le film : ça reste G.I. Joe, la foire aux muscles, aux flingues et aux boobs, avec des situations complètement débiles (notamment, et ce n’est sans doute pas la plus grosse incohérence du film, Cobra qui prend le contrôle des États-Unis rien qu’en se débarrassant de l’unité G.I. Joe, soit une cinquantaine de soldats ; la dernière fois que j’ai vérifié il me semble que l’Oncle Sam disposait aussi d’une armée régulière et de je ne sais combien d’agences gouvernementales aux initiales évocatrices – NSA, CIA, FBI… – qui veillaient à ses intérêts et à sa sécurité). Mais on a un peu moins l’impression d’assister à une énorme campagne publicitaire pour s’engager dans l’armée américaine. C’est un progrès. Étant donné qu’ils annoncent un troisième volet, je doute qu’il y en ait d’autres.
G.I. Joe – Retaliation, Jon M. Chu, 2013
* On suit en gros trois factions : les gentils soldats, les méchants Cobra et les ninjas. Le story-arc de ces derniers est de loin le plus débile, en grande partie parce qu’il part du postulat absurde que le spectateur se souvient de ce qu’il s’est passé dans le premier film.
** Ce qui nous laisse encore au-dessous du niveau de flottaison, hein, paniquez pas !
*** Connus essentiellement pour avoir réalisé Sexy Dance 2 et 3 (que je n’ai bizarrement pas vus) et… (soupir) Justin Bieber: Never Say Never, le documentaire sur le… comment on dit ? Chanteur ?

mardi 2 avril 2013

Julien a vu… La Folle Escapade



Vu le 30 mars 2013

Suite à une vision apocalyptique de son jeune frère Merlin, le lapin Cajou décide de quitter sa garenne natale pour partir à la recherche d’un lieu de vie plus clément. Il est suivi dans sa quête par quelques membres du groupe parmi lesquels Brocoli, ancien membre des Compagnies lapines de sécurité ayant retourné sa veste. Ensemble, ils vont affronter mille périls.

Watership Down est un film d’animation britannique datant de 1978 dont j’avais entendu parler récemment, au détour d’une chronique de Doug Walker. Intrigué par les commentaires du critique, j’ai procédé à quelques recherches et quelle n’a pas été ma surprise en découvrant qu’il était projeté ces temps-ci dans un cinéma parisien. Samedi je me suis donc levé tôt, ai traversé la ville et visionné ce dessin animé rebaptisé en VF La Folle Escapade.

Et le moins qu’on puisse dire, c’est que ce titre tout mignon ne laisse absolument pas présager du contenu du film. Car s’il s’agit effectivement d’un dessin animé destiné aux enfants*, il n’en est pas moins dur. Très dur. L’introduction, qui nous révèle la Genèse selon les lapins, nous met immédiatement dans l’ambiance : l’espère lagomorphe vit en permanence avec la mort autour d’elle. Les lapins sont faibles, ils sont la proie désignée de tout ce qui vit, ils ne peuvent compter que sur leur ruse et leur vitesse… et de fait beaucoup vont mourir durant cette « escapade », qui n’est folle qu’au sens propre. Le film se rapproche beaucoup plus d’une série comme Les Animaux du bois de Quat’sous, où un groupe de bestioles devait émigrer à leurs risques et périls, qu’à une charmante aventure champêtre.

Les personnages, bien que visuellement ressemblants, se repèrent vite et possèdent tous une certaines profondeur. Cajou, le jeune leader qui s’impose rapidement comme chef-né. Merlin, son petit frère fragile mais doué de visions (sans doute le seul élément fantastique et un peu « facile » du film), Brocoli l’ex-flic bourru et débordant d’honneur…

Si l’animation a bien sûr vieilli**, si le doublage est très représentatif de ce qui se faisait à l’époque***, l’intrigue et l’ambiance assez lourde demeurent un cas d’école stupéfiant de ce que peut être un film d’animation jeunesse dont on aurait soigneusement extrait toute la mièvrerie (le film est présenté comme visible « à partir de six ans »). Les scènes de vision de Merlin, des champs se couvrant de sang sur une musique sinistre, pose immédiatement une ambiance glaçante. Les passages mettant en scène les Afrafra, un peuple de lapins dirigé par un despote borgne qui fera cauchemarder des générations entières, en dit plus long sur l’esclavage et la dictature que bien des films hollywoodiens. Et l’aspect « Exode » de la horde de lapins, leur vision de l’existence sous la forme d’une fuite éternelle face à un monde ennemi, n’est pas sans susciter une forte résonnance spirituelle.

La Folle Escapade est un film à voir. S’il a quelques défauts de rythme dus à son âge, il reste un long-métrage surprenant à connaître et à faire connaître aux jeunes, et moins jeunes.

La Folle Escapade, Martin Rosen, 1978
* En fait c’est une adaptation du roman Watership Down de Richard Adams (1972). Il existe en français sous le titre Les Garennes de Watership Down. Apparemment il y aurait des références à ce roman dans la série Lost, et dans une scène de Donnie Darko dont je ne me souviens absolument pas…

** Pour comparaison, Les Aventures de Bernard et Bianca sortait l’année précédente aux États-Unis. L’animation de Watership Down n’a pas trop à pâlir face à son concurrent américain (quoique les studios Disney eussent alors le bec dans l’eau).

*** On retrouve d’ailleurs tous les doubleurs français connus : Roger Carel, Philippe Dumat, Alain Dorval, Pierre Hatet… ils y mettent du cœur, et entendre Roger Carel énoncer avec l'accent allemand « Il faut des lapines pour lapiner » dans un film pour enfants reste un plaisir rare.