mercredi 21 janvier 2015

The Little Shop of Horrors (La Petite Boutique des horreurs, Frank Oz, 1986)

Je commence déjà à faire des écarts à mon principe de chronique :
ce film date de 1986 mais prend place dans les années soixante. Tant pis.

Le pitch 
Petit employé chez un fleuriste dans un quartier tout pourri de New York, Seymour Krelborn trouve par hasard une étrange fleur qui, grandissant très vite, fait sensation et la fortune de ses propriétaires. Seul problème, elle boit du sang, chante et, même si elle exauce les souhaits de qui la nourrit, est de plus en plus inquiétante… 

D’où ça vient ? 
La Petite Boutique des horreurs est techniquement un remake d’un film de Roger Corman de 1960. Si vous ne savez pas qui est Roger Corman, disons que c’est une espère de créature cinématographique récurrente qui exerce son art depuis les années cinquante. Ses films étaient généralement des séries B, notamment des adaptations de nouvelles d’Edgar Allan Poe genre Le Corbeau ou Le Masque de la mort rouge. Si la qualité de sa production fut souvent discutable, il est indéniable que Corman a fait débuter et formé un nombre stupéfiant de grands noms de Hollywood, dont Francis Ford Coppola, Ron Howard, Martin Scorsese ou James Cameron. Corman est un des plus célèbres tauliers du cinéma ricain, au point qu’on n’a pas été surpris de le voir venir produire pour SyFy en 2010 Sharktopus, improbable film de sharkploitation totalement assumé. 

Le taulier. L'Attaque des crabes géants, Le Corbeau, La Femme-guêpe,
La Résurrection de Frankenstein, Sharktopus
... tout ça c'est lui.
Mais bon, en 1960, il n’était pas encore une légende et avait donc réalisé The Little Shop of Horrors, film fauché mais somme toute plutôt correct et plein de bonnes idées. Dans les années 1980, l’heure est aux reprises des bonnes idées, et un producteur off-Broadway se dit « tiens une histoire d’horreur avec une plante carnivore géante qui parle et mange des gens, ça ferait un super thème pour une comédie musicale ». Non, je ne sais pas ce qui tournait à l’époque dans les studios, mais ça devait être de la gratinée ! 

Le musical voit le jour et plaît beaucoup, entre autres grâce aux chansons d’Alan Menken et Howard Ashman, et si ces noms ne vous sont pas inconnus c’est qu’une dizaine d’années plus tard ils composeront les bandes originales de La Petite Sirène, La Belle et la Bête et Aladdin. Donc non, ce ne sont pas exactement des tâcherons. 

Débarque alors Frank Oz (dont j’ai parlé dans ma dernière chronique sur Le Loup-garou de Londres) qui se penche sur une adaptation en film, et ainsi naît La Petite Boutique des horreurs dont je vais vous parler. 

Et aujourd’hui, qu’est-ce que ça donne ? 
Il s’agit donc d’une comédie musicale, et autant vous prévenir, c’est un genre que j’aime bien. Autant j’admets que ça peut être abominable si c’est mal fait, autant je suis à fond dedans si le réalisateur mène bien sa barque, et là Frank Oz assure. Le casting est impec, les chansons, même si je ne suis pas fan de toutes, fonctionnent (point d’orgue du film, la dernière est même une pure tuerie – littéralement d’ailleurs), le rythme est bon… 
 
L'image la plus connue du film : Audrey II face à Rick Moranis.
J'en mènerais pas large à sa place.
Et bien sûr, la force inoubliable du film : Audrey II. Audrey II, c’est la plante carnivore. Oui, Krelborn l’appelle comme ça du nom de l’employée Audrey, dont il est amoureux (jouée par Ellen Greene, qui reprend son rôle du musical). Et Audrey II, au début c’est une petite plante mignonette, mais à la fin c’est un monstre titanesque qui rentre à peine dans la pièce. Et surtout, ce n’est pas une image de synthèse : elle est animée à la main, c’est un gigantesque animatronic époustouflant de classe. Je sais pas pourquoi j’ai cru pendant tout le film qu’elle était doublée par Tim Curry, mais en fait sa voix suave et dérangeante est celle de Levi Stubbs, le baryton du groupe de rythm and blues The Four Tops (du vrai rythm and blues, hein ! pas du R&B de merde). 

Le casting dont on se souvient 

Je suis le Maître des Clés... Zuuul !
Rick Moranis est le brave Seymour Krelborn, notre héros. D’ailleurs, si vous vous demandez pourquoi en VO, les « têtes d’ampoule » de la série Malcolm s’appellent des « Krelboynes », ben maintenant vous savez, c’est une référence directe à ce personnage. Moranis est un habitué des rôles de nerds attendrissants mais gentiment énervants, puisqu’il joue quasiment le même rôle dans Ghostbusters (Reitman, 1984) et Honey, I Shrunk the Kids (Chérie, j’ai rétréci les gosses, Johnson, 1989). Et évidemment il fut l’immense quoique petit Lord Casque Noir dans Spaceballs (La Folle Histoire de l’espace, Brooks, 1987). 

Je suis tellement pas taillé pour faire un loubard que je le fais trop bien.

Steve Martin, que tout le monde aime bien mais qu’on voit quand même souvent dans des mauvais films, est juste extraordinaire ici dans un rôle de dentiste sadique. La chanson pendant laquelle il se présente vaut à elle seule le coup de voir le film. 

Apparemment, Murray aurait improvisé l'intégralité de la scène.
Je veux bien le croire.
Bill Murray vient d’ailleurs le compléter idéalement en incarnant un patient masochiste. À noter que dans le film d’origine de Roger Corman, ce rôle était tenu par un tout jeune Jack Nicholson, déjà un peu flippant. 

John Candy était une star de la télé américaine, il a joué dans beaucoup
de films mais reste relativement peu connu en France.
On voit aussi passer John Candy (qu’il est de bon ton de toujours nommer « le regretté John Candy », même si le public français ne le connaît pour ainsi dire que pour Rasta Rockett). 

Les scènes cultes 

Oooh yeah !
La fin est culte pour plusieurs raisons : tout d’abord, la chanson de la plante, Mean Green Mother from Outer Space, est absolument géniale. Les effets spéciaux donnent leur pleine mesure et la créature est sublimement animée. 
Et surtout, il y a en fait deux fins : la fin joyeuse, où Seymour arrive à arracher Audrey des tiges d’Audrey II, et la fin abominable, semblable à celle du musical original, où il se fait dévorer et où Audrey II parvient à se multiplier et envahir le monde. En fait Oz a été obligé de tourner la happy end face aux réactions terriblement négatives des projections tests. Il déclarera : « Si vous tuez les personnages à la fin d’une comédie musicale sur scène, les comédiens vont quand même revenir pour le salut final. Au cinéma, si vous les tuez, ils sont morts, l’audience a perdu les gens qu’elle aimait. Ils aimaient ces personnages, et ils nous ont détestés pour ça. » Pourtant, si la fin joyeuse est effectivement plus agréable, l’alternative est visuellement sublime, avec des fleurs géantes qui détruisent joyeusement l’Amérique en chantant. Monstrueux ! 

Bonus 
La série animée Petite Boutique des horreurs ! Oui, ça a existé, c’est tellement moche qu’on dirait une série des seventies et en même temps ça pue les années 1990, période « on n’a pas d’argent pour mettre des décors, on fait des couleurs dégueu et une musique qu’on dira que c’est du rap pour insulter les minorités, et basta ». Voir Jean Chalopin au générique de ce truc me fait un peu mal au cœur quand même… c’est pas pour dire, mais à la même époque, au Japon, on faisait Nadia, le secret de l’eau bleue.

 

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