mardi 2 avril 2013

Julien a vu… La Folle Escapade



Vu le 30 mars 2013

Suite à une vision apocalyptique de son jeune frère Merlin, le lapin Cajou décide de quitter sa garenne natale pour partir à la recherche d’un lieu de vie plus clément. Il est suivi dans sa quête par quelques membres du groupe parmi lesquels Brocoli, ancien membre des Compagnies lapines de sécurité ayant retourné sa veste. Ensemble, ils vont affronter mille périls.

Watership Down est un film d’animation britannique datant de 1978 dont j’avais entendu parler récemment, au détour d’une chronique de Doug Walker. Intrigué par les commentaires du critique, j’ai procédé à quelques recherches et quelle n’a pas été ma surprise en découvrant qu’il était projeté ces temps-ci dans un cinéma parisien. Samedi je me suis donc levé tôt, ai traversé la ville et visionné ce dessin animé rebaptisé en VF La Folle Escapade.

Et le moins qu’on puisse dire, c’est que ce titre tout mignon ne laisse absolument pas présager du contenu du film. Car s’il s’agit effectivement d’un dessin animé destiné aux enfants*, il n’en est pas moins dur. Très dur. L’introduction, qui nous révèle la Genèse selon les lapins, nous met immédiatement dans l’ambiance : l’espère lagomorphe vit en permanence avec la mort autour d’elle. Les lapins sont faibles, ils sont la proie désignée de tout ce qui vit, ils ne peuvent compter que sur leur ruse et leur vitesse… et de fait beaucoup vont mourir durant cette « escapade », qui n’est folle qu’au sens propre. Le film se rapproche beaucoup plus d’une série comme Les Animaux du bois de Quat’sous, où un groupe de bestioles devait émigrer à leurs risques et périls, qu’à une charmante aventure champêtre.

Les personnages, bien que visuellement ressemblants, se repèrent vite et possèdent tous une certaines profondeur. Cajou, le jeune leader qui s’impose rapidement comme chef-né. Merlin, son petit frère fragile mais doué de visions (sans doute le seul élément fantastique et un peu « facile » du film), Brocoli l’ex-flic bourru et débordant d’honneur…

Si l’animation a bien sûr vieilli**, si le doublage est très représentatif de ce qui se faisait à l’époque***, l’intrigue et l’ambiance assez lourde demeurent un cas d’école stupéfiant de ce que peut être un film d’animation jeunesse dont on aurait soigneusement extrait toute la mièvrerie (le film est présenté comme visible « à partir de six ans »). Les scènes de vision de Merlin, des champs se couvrant de sang sur une musique sinistre, pose immédiatement une ambiance glaçante. Les passages mettant en scène les Afrafra, un peuple de lapins dirigé par un despote borgne qui fera cauchemarder des générations entières, en dit plus long sur l’esclavage et la dictature que bien des films hollywoodiens. Et l’aspect « Exode » de la horde de lapins, leur vision de l’existence sous la forme d’une fuite éternelle face à un monde ennemi, n’est pas sans susciter une forte résonnance spirituelle.

La Folle Escapade est un film à voir. S’il a quelques défauts de rythme dus à son âge, il reste un long-métrage surprenant à connaître et à faire connaître aux jeunes, et moins jeunes.

La Folle Escapade, Martin Rosen, 1978
* En fait c’est une adaptation du roman Watership Down de Richard Adams (1972). Il existe en français sous le titre Les Garennes de Watership Down. Apparemment il y aurait des références à ce roman dans la série Lost, et dans une scène de Donnie Darko dont je ne me souviens absolument pas…

** Pour comparaison, Les Aventures de Bernard et Bianca sortait l’année précédente aux États-Unis. L’animation de Watership Down n’a pas trop à pâlir face à son concurrent américain (quoique les studios Disney eussent alors le bec dans l’eau).

*** On retrouve d’ailleurs tous les doubleurs français connus : Roger Carel, Philippe Dumat, Alain Dorval, Pierre Hatet… ils y mettent du cœur, et entendre Roger Carel énoncer avec l'accent allemand « Il faut des lapines pour lapiner » dans un film pour enfants reste un plaisir rare.

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