jeudi 16 mai 2013

Julien a vu… L’Écume des jours



Vu le 11 mai 2013
Colin rencontre Chloé et la vie devient plus belle. Ensemble, ils habitent un Paris enchanté avec leurs amis Nicolas le cuisinier-avocat et Chick l’ouvrier philosophe. Puis Chloé attrape un nénuphar au poumon, Chick devient accro à Jean-Sol Partre, et Nicolas vieillit à vue d’œil. C’est la vie : au début on naît, puis les emmerdes s’accumulent, et à la fin on meurt.
L’Écume des jours est un roman inadaptable, mais si quelqu’un devait l’adapter, c’était Michel Gondry. La poésie virtuose mais étrange de Boris Vian, très ancrée dans son époque bath des années quarante, ne plaît pas à tout le monde et semble se refuser à la mise en image, encore plus à la mise en scène. Pour illustrer Vian, il fallait un réalisateur sachant sortir du cadre, n'ayant pas peur d'invoquer le rêve dans son œuvre. Un Wes Anderson, ou un Michel Gondry*. Un réal qui ne serait même pas au courant que ce qu'il tente de faire est impossible, et qui du coup y arriverait magnifiquement. La version présentée ici est tout simplement somptueuse, tenant autant du film d’animation (les effets spéciaux à la Gondry, c’est du bricolage en stop-motion** qui fleure bon la poésie surannée) que du théâtre surjoué.
Tout y est, du moins autant que je me rappelle du roman. La chasse à l’anguille dans la tuyauterie, le pianocktail (aaaah, le pianocktail !), les conférences hystériques de Jean-Sol Partre dans sa pipe géante, le nénuphar, les métiers absurdes que Colin doit effectuer à son corps défendant… Gondry a parfaitement saisi les symboliques chères à Vian et fait jouer autant son décor que ses personnages : de lumineux et spacieux, l’appartement de Colin devient une abominable tanière décrépite au fur et à mesure de la descente aux enfers du couple.
Le cinéaste s’entoure en outre d’un casting impeccable : Romain Duris, joyeux, Audrey Tautou, agréablement pas douée***, Omar Sy, classieux (si on m’avait dit à l’époque du Carton que ce mec deviendrait acteur), Gad Elmaleh, attristant en junkie existentialiste, Aïssa Maïga en Alise à fleur de peau et Charlotte Le Bon en Isis fofolle. Plus quelques copains passés dire coucou sur le tournage, comme Alain Chabat, Philippe Torreton ou Zinedine Soualem, toujours impeccablement employés. À l’arrivée vous obtenez un film surprenant, une expérience cinématographique unique, différente, enivrante, et déprimante. Parce que sans trop spoiler, L’Écume des jours, c'est comme la vie, c'est beau, souvent absurde, parfois joyeux, mais ça finit mal.
L’Écume des jours, Michel Gondry, 2013
* Si vous n’avez jamais vu de Michel Gondry, c’est un tort, d’autant que le monsieur ne s’est encore jamais trop loupé, quel que soit le style attaqué : Human Nature, Eternal Sunshine of the Spotless Mind, La Science des rêves, Be Kind Rewind, Le Frelon vert (tout le monde n’aime pas, mais moi j’adore). Sa poésie, sa manie de proposer des ovnis filmiques toujours drôles, joyeux, naïfs et profonds en même temps, ont conquis autant les Français que les Américains. Ce n’est pas rien.

** Tiens, à propose de stop-motion, savez-vous que Ray Harryhausen est mort la semaine dernière ? Eh bien c’est très triste.

*** J’adore le fait qu’elle chante mal et dessine comme un pied. Souvent dans ce genre de film on pare l’actrice principale de toutes les vertus possibles, ici, non.

6 commentaires:

  1. Moi aussi j'ai adoré ! Et la plupart des effets spéciaux ont été réalisés manuellement ! Les plats de Nicolas sont en tissus ! C'est juste fou...
    Chloé

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  2. Je rappelle que le piano-cocktail existe en vrai... http://www.youtube.com/watch?v=Py7MyPRHTvI

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  3. Waouh ! Super classe le piano !

    D'ailleurs, ça me rappelle quelque chose : quand j'étais au collège, une copine avait fait une fiche de lecture sur L'Écume des jours et, comme j'étais un élève consternant, j'avais écouté. Et je me souviens très bien qu'elle avait évoqué le "piano-cocktail".

    Comme le film allait sortir, j'ai discuté du livre avec d'autres amis, et une amie (que je ne nommerai pas mais dont le surnom ressemble à un oiseau cendré que chassent les Inconnus du Bouchonnois) m'a soutenu mordicus qu'il s'agissait d'un "pianocktail".

    Vian serait américain, je suggèrerais une erreur de traduction, mais en l'occurrence, je m'interroge. Il faudra que je checke une version papier.

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  4. Et comme on sait qu'elle n'a jamais tort, fais attention à toi. Jolie critique pour un joli film. Merci de nous rappeler son existence.

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  5. J'ai vérifié dans une parution à la Fnac, apparemment c'est pianocktail.
    Vae victis, je m'en vais me jeter du haut du Pont-Neuf.

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