jeudi 5 décembre 2013

Julien a vu... Les garçons et Guillaume, à table !



Vu le 29 novembre 2013
Quand il était jeune, le comédien Guillaume Gallienne croyait qu’il était une fille. Parce que sa mère les appelait, lui et ses frères, de cette manière cavalière au moment du repas familial : « Les garçons et Guillaume, à table ! »* Du coup, en grandissant, sa personnalité s’est forgée autour de cette certitude, au grand désespoir de sa famille, notamment son grand bourgeois de père.
En adaptant son spectacle au cinéma, Guillaume Gallienne prenait plusieurs risques. D’abord le risque classique, inhérent au portage sur grand écran, de tomber dans le théâtre filmé sans intérêt. Force est de reconnaître qu’il se tire admirablement de cette contrainte délicate, et même avec un certain panache, mêlant les éléments scéniques (il passe une partie du film sur les planches en s’adressant à un mystérieux public, commente chaque scène sur un ton de narrateur de théâtre…) et la mise en scène cinématographique dans des décors judicieux. La maison bourgeoise dans laquelle grandit la famille Gallienne, notamment, avec ses moulures, ses dorures et ses fissures, est en elle-même suffisamment évocatrice de l’ambiance familiale. La mise en scène est une vraie mise en scène de cinéma, ce qui est somme toute assez rare dans ce genre de cas**.
D’autre part, le sujet est lui-même relativement délicat : une autobiographie sur un garçon qui se prend pour une fille, sans apitoiement, misérabilisme aucun, sous la forme d’une comédie dynamique et bien rythmée. Pas évident, mais là aussi le pari est réussi : on rit, beaucoup, et jamais à mauvais escient. Gallienne nous emmène dans sa vie sur laquelle il porte un regard plein de tendresse sans occulter ses (nombreuses) erreurs. Apparemment on en trouve certains pour y voir une critique du milieu gay et une apologie de l’hétérosexualité, mais comme les mêmes ont aimé La Vie d’Adèle ce n’est pas trop grave.
Et enfin le réalisateur prend un parti audacieux puisqu'il joue également sa mère, bourgeoise ampoulée et un poil vulgaire que le jeune homme couve d’une admiration quasi œdipienne. Une grande partie du film repose sur cette relation mère/fils à la frontière du malaise, et sur l’amour absolu que voue Guillaume à sa génitrice. Là encore, il faudrait sincèrement manquer de cœur pour trouver à redire à la performance : l’acteur n’a pas usurpé son statut de sociétaire de la Comédie française.
Comme la musique est étonnamment bien choisie***, la mise en scène originale et le sujet rafraîchissant, on peut dire qu’on a affaire à un très bon film. En plus c’est drôle.
Les garçons et Guillaume, à table !, Guillaume Gallienne, 2013
* En fait, comme il l’explique lui-même régulièrement en interview, c’était surtout le fait que ses deux frères dormaient dans la même chambre qui justifiait cette étrange formulation.
** Il suffit de revoir Le père Noël est une ordure, Le Dîner de cons ou Le Prénom pour s’en convaincre. C’est drôle (enfin… moins que les pièces à chaque fois), mais en termes cinématographiques ça ne vole pas bien haut. Ici on est dans une toute autre réflexion.
*** Bon, c’est peut-être parce qu’on était deux choristes, mais on a adoré la bande originale du film. Notamment une très belle version polyphonique de We Are the Champions.

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